Il ne sait pas ce qu’on n’a appris que depuis : la succession et la transformation gallo-romaine, néo-latine et romane, lui échappent. […] L’histoire qu’il essaye, à cette occasion, de tracer de notre ancienne poésie française est courte et défectueuse, comme le sera celle que plus tard donnera Boileau : le Roman de la Rose est son bout du monde. […] Si l’on avait pu, en remontant par-delà les romans d’aventures, se reprendre à quelque chanson de geste de forte trempe, la tradition vive était retrouvée. […] Mais quel malheur, j’en conviens, que l’on n’ait pu alors, par un retour hardi et une percée vers le Moyen Âge, rompre, écarter ce faux horizon du Roman de la Rose et renouer une tradition saine, simple, glorieuse, patriotique, bien française ! […] C’est bien ainsi que l’épopée vraiment nôtre aurait pu raisonnablement se tenter, et non par un fabuleux Francus, pur roman d’aventure, passé à la glace de l’imitation et de la contrefaçon classique.
Une bonne cote hardie Me donna de vingt florins d’or ; Il m’en souvient moult bien encor ; en s’en tenant aux âges plus rapprochés et après que le français proprement dit se fut entièrement dégagé du roman, dès l’aurore du xvie siècle, on trouve quelques points saillants : dans les premiers livres français imprimés (mystères, romans de chevalerie ou autres), un bon nombre le fut à Chambéry ; on rencontre archevêque à Turin Claude de Seyssel, l’historien de Louis XII et l’infatigable traducteur : il était né à Aix en Savoie. […] Tout est de vrai chez lui ; rien du roman ; il copie avec une exacte ressemblance la réalité dans l’anecdote. […] Littérairement, on pourrait presque dire qu’il fit école : on citerait toute une série de petits romans (dont le Mutilé, je crois, est le dernier) où l’intérêt se tire d’une affliction physique contrastant avec les sentiments de l’âme : mais ce sont des romans, et le Lépreux n’en est pas un. […] Mme Cottin, dans Élisabeth ou les Exilés de Sibérie, a fait un roman de ce que M. de Maistre a simplement raconté.