C’est ainsi que, dans quelques pâles récits du Bas-Empire romain, il nous est montré avec effroi parmi les hordes des Huns leurs poëtes, dont la voix ne pouvait retentir entre les chariots du camp qu’on ne vit aussitôt les hommes courir aux armes, et les enfants verser des pleurs d’impatience et de rage. […] Plusieurs siècles après Arminius et Tacite, sous de nouvelles invasions du Nord dans l’Asie grecque, l’Europe méridionale et l’Afrique romaine, se retrouvait encore un ferment de poésie apporté par les destructeurs eux-mêmes. […] C’est aux plus anciens souvenirs de cet apostolat farouche du Nord sur le Midi que Charlemagne, devenu patrice romain et chef civilisé des barbares, empruntait un nouvel enseignement pour son peuple. […] Parti d’abord pour le continent, avec un jeune lord dont il pouvait plus tard redevenir l’ami, mais ne voulait pas être le compagnon inégal, il avait vu la France et l’Italie en amateur passionné des lettres, écrivant la langue des Romains comme un érudit du seizième siècle et avec la pensée mélancolique d’un moderne.
Ainsi la paix apparente et servi le de l’ancienne cité romaine couvrait de son immobilité et de ses ombres le travail le plus actif d’une cité nouvelle. […] On croit voir reproduite et centuplée cette astucieuse et rude société décrite par le vieux satirique romain, où, du matin au soir, dans le forum, aux comices, au prétoire, les citoyens étaient sans cesse aux prises comme si tous étaient ennemis de tous. […] Telle fut la grandeur, le caractère original de ces hymnes que la foi chrétienne, que la pitié, que l’espérance prodiguaient au milieu des misères du monde romain expirant ; telle était cette source de ferveur pure et sublime, cette Aréthuse chrétienne qui ne cessait point d’épandre quelques filets limpides sous les flots de la barbarie.