Il n’y avait point de concurrent pour ainsi dire : Il y faut (aux Affaires étrangères) un homme de robe suivant l’usage présent ; je suis, de plus, homme de condition ; mon père a bien servi le roi et a été grand officier de la couronne ; j’ai étudié assidûment les affaires politiques depuis sept ans ; M. le cardinal le sait et a vu de mes mémoires, M. le garde des sceaux Chauvelin lui en a rendu de grands témoignages en tous les temps. […] Il y a de lui une page bien naturelle, où il pense tout haut, et qui est toute l’histoire du Pot au lait : Le 28 avril 1737. — J’ai été nommé par le roi ambassadeur en Portugal ; tout mon dessein, en acceptant pareil emploi, a été de me rendre digne et de me mettre à portée des places du ministère, où mon ancienneté au conseil pouvait naturellement m’élever dès que je ne démériterais pas, à plus forte raison si je montrais du mérite et du courage. […] Trois ans après, en mai 1744, le cardinal de Fleury étant mort, le roi nomma M. d’Argenson conseiller au conseil royal, à la condition qu’il quitterait les affaires du duc d’Orléans, car on ne peut servir deux maîtres. […] [NdA] Dans les derniers temps de sa vie, M. d’Argenson était devenu plus sévère pour M. de Chauvelin, et je trouve dans ses cahiers la note suivante, sous le titre de Véritables causes de la guerre de 1733 : Je n’ai jamais été si surpris que causant avec M. de Chauvelin, ancien garde des sceaux de France, et lui ayant dit que la guerre de 1733 avait pu être causée pour réhabiliter la France, dont le cardinal de Fleury avait flétri la réputation en se montrant pacifique jusqu’à l’excès, cet ancien ministre me répondit que ce n’était point cela, mais que le roi ayant épousé la fille du roi Stanislas qui n’avait été reconnu roi par aucune puissance de l’Europe, Sa Majesté se trouvait ainsi n’avoir épousé qu’une simple demoiselle ; qu’il était donc devenu nécessaire que la reine fût fille d’un roi, quoquo modo, et que c’élait à cela qu’il avait travaillé heureusement. […] [NdA] On lit dans le journal de d’Argenson : « Juillet 1737. — J’ai dit à M. de Maurepas que mes équipages d’ambassade (pour le Portugal) étaient bien avancés, et que je n’avais pas encore reçu un sol du roi.
Ces dernières réflexions ont l’air d’illusions si vous voulez, mais convenons que les apparences sont grandes, qu’il y a quelque chose de caché sous cette disproportion réelle et sensible ; nous avons l’air de rois détrônés et emprisonnés. […] Il n’en voulait pas trop à Louis XV ; il avait mieux auguré de ce prince dans sa jeunesse, il avait cru un moment qu’il serait un bon roi ; du temps que Mme de Mailly était la maîtresse favorite (décembre 1738), il lui semblait qu’elle n’avait qu’un crédit limité ; que le roi ne lui cédait pas trop, « et que, comme Henri IV, il aimait mieux les affaires de son État que celles de sa maîtresse. […] Il pensait que les abus et les maux de l’ancien régime étaient venus au point d’exiger qu’on tirât la France, « non de dessous ses rois, à Dieu ne plaise ! […] J’ai entendu le roi parler légèrement de la vertu qu’on nomme bravoure. […] Ce roi corrompu ne veut pas même laisser à sa nation sa vertu unique et dernière, et il la flétrit.