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2107. (1924) Intérieurs : Baudelaire, Fromentin, Amiel

Cet élément matériel sur lequel appuyer la vie spirituelle, c’était pour la tragédie racinienne cette forme de la société humaine qui s’appelle la vie de cour, cette concentration des valeurs, de la beauté, de l’être d’un pays en un petit espace, autour d’un roi, tout ce qui arrive à sa perfection dans les vingt premières années du règne personnel de Louis XIV. […] Il est fait encore de tout ce qui nous relie par notre inconscient à notre formation chrétienne, de ces misères d’un roi dépossédé qui engendrent incessamment dans cette foule comme dans notre âme l’ennui, l’inquiétude, forgent notre mauvaise conscience et notre tragique quotidien. […] Traduire avec la perfection du génie, cela ne se voit, ne s’est vu et ne se verra jamais, d’abord parce que si on a du génie on ne l’emploie pas à des traductions, ensuite et surtout parce qu’il est aussi impossible à un génie individuel de faire passer l’âme d’une langue dans une autre langue qu’à un roi absolu de changer un homme en femme.

2108. (1904) Propos littéraires. Deuxième série

Rébelliau, dans une Introduction qui n’est pas aussi connue qu’elle mérite de l’être, que, « si Voltaire se propose de peindre le siècle de Louis XIV, c’est surtout par esprit de réaction dépitée contre le siècle présent… contre ce “siècle de fer” et ce gouvernement imbécile… contre ces Français de la décadence qui s’endorment sous la somnolente torpeur d’un ministre caduc et d’un roi apostolique… » Il y a du vrai, et somme toute, là aussi, Encyclopédiste seulement à demi, Voltaire est un des hommes du xviiie  siècle qui ont le plus rendu justice au siècle précédent, et l’on peut, pour s’en persuader, le comparer à Montesquieu qui exècre le siècle de Louis XIV et à Rousseau qui l’ignore profondément. […] Jusque-là, l’histoire était considérée comme féconde en leçons poulies rois, les grands et les peuples, et cette formule entre dans toutes les définitions qu’on en a données jusqu’au second tiers du xviiie  siècle. […] Nous avions pris depuis quelques années l’habitude de voir des rois de trèfle (aux tempes) épouser de petites bergères. […] Un roi disposait d’un peuple dans son testament ou dans le contrat de mariage de sa fille, comme d’un lopin de terre. […] Il s’agit, ou de réserver, en cas de mort du roi, la régence à la duchesse d’Orléans, ou de la réserver au prince le plus proche du trône dans l’ordre de succession établi par la charte.

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