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676. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1870 » pp. 321-367

ne te restera-t-il pas assez d’années pour fabriquer des bouquins ?  […] Je suis resté près de lui jusqu’à la nuit, sans avoir le courage de lui parler, sans avoir le courage de le forcer à parler. […] » Deux fois il a dit distinctement un nom de femme aimée : « Maï-a, Maï-a. » * * * Quand je vois, en face de moi, de l’autre côté de la table à manger, ce fauteuil, qui restera éternellement vide, mes larmes tombent dans mon assiette, et je ne puis manger. […] » Je suis resté ! […] * * * Je l’ai vu disparaître dans le caveau, où sont mon père, ma mère, et où il y a encore une place pour moi… * * * En rentrant, je me suis couché et, couvrant mes draps de ses portraits, je suis resté avec son image jusqu’à la nuit.

677. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Sainte-Beuve » pp. 43-79

Il l’aurait comparé plutôt à une Niobé féconde et puissante, mais restée pieuse et sauvant ses magnifiques enfants de la flèche irritée des Dieux. […] Quoiqu’il fût de la race de ces esprits sensuels, égoïstes, mais faciles et qui recouvraient de formes aimables leur égoïsme et leur absence de sens moral ; quoiqu’il fût bien de la lignée des Saint-Évremond, des Fontenelle, des Prieur de Vendôme, des Chaulieu, etc., il n’avait pas leur rondeur ou la grâce de leur négligence, à ces égoïstes spirituels ; il restait pointu et à l’affût, toujours rat, toujours un brin féroce… Voluptueux qui ne lâchait jamais sa ceinture, mais qui, au contraire, la rebouclait sans cesse pour l’article, vous n’étiez jamais pour lui que l’intérêt d’un renseignement à deux pattes. […] C’est l’intelligence, le talent, l’aptitude qui restera ici jugée. Fantaisiste de la Critique, bénédictin de l’anecdote, Mabillon de babioles, aiguiseur de notes en épigrammes pour les placer plus tard, commère comme trente-six langues de femmes pour en faire parler une trente-septième, le petit homme de la rue Montparnasse restera dans la mémoire des contemporains comme le touche-à-tout le plus curieux, le plus acharné et parfois le plus puéril de son siècle. […] Il lui est resté je ne sais quoi du grimaud de collège, malgré la barbe faite et le linge blanc.

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