voyons, lisez-nous cela, Daru. » L’Empereur, non plus qu’aucun des auditeurs présents, ne put se douter que l’ode fût d’un autre que du fameux Lebrun-Pindare, quoique celui-ci fût resté boudeur et un peu républicain. […] Ce qu’il y avait de plus irritant, c’est que le président du Sénat, François de Neufchâteau, plus candide que fin, lui avait fait à ce sujet de grands compliments et lui avait sans doute dit la phrase consacrée : « Vous n’avez jamais rien fait de mieux. » Aussi resta-t-il implacable dans sa rancune, et il laissa sans réponse la lettre, toute pleine de déférence et d’admiration, que le jeune débutant lui avait adressée en lui envoyant son ode. […] On aurait tort, aujourd’hui que ces choses restées inachevées et incomplètes sont si éloignées, que tant d’autres ont succédé pleines d’éclat, et que la poésie a régné en son été et à son midi sous des formes plus saisissantes et toutes radieuses, de ne voir en M. […] Une telle poésie existe de droit et se justifie à elle seule. — Poésie modérée, bien que depuis lors nous en connaissions une autre, grande, magnifique, souveraine, et que nous nous inclinions devant, et que nous l’admirions en ses sublimes endroits ; — poésie d’entre-deux, moins vive, moins imaginative, restée plus purement gauloise ou française, plus conforme à ce que nous étions et avant Malherbe et après ; — poésie qui n’es pas pour cela la poésie académique ni le lieu commun, et qui as en toi ton inspiration bien présente ; qui, à défaut d’images continues, possèdes et as pour ressources, à ton usage, le juste et ferme emploi des mots, la vigueur du tour, la fierté du mouvement ou la naïveté du jet ; poésie qui te composes de raison et de sensibilité unies, combinées, exprimées avec émotion, rendues avec harmonie ; puisses-tu, à ton degré et à ton heure, à côté de la poésie éclatante et suprême, te maintenir toujours, ne cesser jamais d’exister parmi nous, et d’être honorée chez ceux qui t’ont cultivée avec amour et candeur !
Il n’y resta pas moins de dix-huit ans, jusqu’en 1855, et c’est alors seulement qu’il entra, pour s’y caser, au Moniteur. […] Cette combinaison dura près d’un an, après quoi Gautier resta seul et maître du feuilleton. […] Il faut, si l’on veut rester juste, introduire à chaque instant dans son esprit un certain contraire. […] Cette description n’est véritablement née qu’au xviiie siècle avec Rousseau, Ruffon, Bernardin de Saint-Pierre, Volney, Saussure : elle s’est continuée avec éclat et distinction dans notre siècle par Chateaubriand, Ramond, de Humboldt… Cependant que de choses il restait encore à désirer pour le détail et la précision !