/ 2989
42. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre III : Le problème religieux »

C’est là un fait en quelque sorte isolé, et la persistance des grandes religions orientales prouve avec quelle ténacité l’esprit humain reste attaché aux formes religieuses qu’il a une fois adoptées. […] Par cela seul que je reste attaché à cette forme religieuse, c’est que j’y trouve quelque chose que je ne trouverais ni dans une autre religion ni dans une école de philosophie, par exemple un type vivant de piété, de pureté, de charité, qui me sert de modèle pour me conduire ici-bas et d’intermédiaire pour m’élever jusqu’à Dieu. Si le Christ reste pour moi le sauveur des hommes, je suis chrétien, lors même que je ne verrais aucun phénomène surnaturel dans sa mission et dans celle de ses apôtres. […] Le miracle écarté, il reste encore l’idée de la Divinité et de son action incessante sur l’univers ; il reste le sentiment religieux qui unit l’homme à Dieu.

43. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Renou » pp. 301-307

Le vrai goût s’attache à un ou deux caractères et abandonne le reste à l’imagination ; les détails sont petits, ingénieux et puérils. […] Dans le combat où le fils d’Anchise est renversé de son char, et Vénus sa mère blessée par le terrible Diomède, le vieux poëte, où l’on trouve des modèles de tous les genres de beauté, dit qu’au-dessus du voile que la déesse tenait interposé entre le héros grec et son fils, on voyait sa tête divine et ses beaux bras, et je peins le reste de la figure. […] Un trait seul, un grand trait, abandonnez le reste à mon imagination ; voilà le vrai goût, voilà le grand goût. […] Il me donne la mesure des deux bras de son Amphitrite, par l’immensité des rivages qu’ils embrassent ; et, ces deux bras une fois imaginés d’après ce module, d’après le rythme énorme du poëte, d’après le cheminer de ce longo margine terrarum, ce porrexerat qui ne finit point, cet emphatique et majestueux spondaïque Amphitrite , sur lequel je me repose, le reste de l’image s’étend au-delà de la capacité de ma tête. […] Tout ce que je sais, c’est que j’ai bien fait de me méfier de mon jugement ; c’est que Virgile a tout gâté lorsqu’il a traduit cet endroit par ces vers où il ne reste presque pas le moindre vestige de la poésie et des images d’Homère : parva metu primo, … etc. j’aime mieux le plat latin du juif helléniste, qui a dit de l’ange exterminateur des premiers-nés de l’égypte : stans replevit omnia… etc. ah !

/ 2989