Renan a moins écrit son livre pour résoudre des difficultés qu’au fond il regarde lui-même comme insolubles, que pour proclamer les droits de la Critique indépendante et désintéressée, de la Critique en dehors de tout dogmatisme et de toute polémique, comme il dit. […] Renan entra aisément, et pour cette raison même, au Journal des débats, et il y est encore, je crois, les jours de grande fête ; de là, il cingla vers l’Institut, et le voilà, non pas sans travaux, puisqu’il chiffonne dans l’érudition allemande, et c’est une terrible besogne, mais rapidement et sans luttes, le voilà regardé comme un critique, un érudit et un écrivain formidable, même par ses ennemis. […] Éblouir comme le renard de La Fontaine tous les dindons oisifs de la libre pensée qui le regardent tourner en rond, prendre ses poussières à l’apparence et faire monter cette vile fumée sur le soleil de nos traditions ; tel est le côté sérieux du personnage que M.
Il y a quelque chose de douloureux et d’attachant dans cette destinée d’un jeune esprit qui regarde le monde et la vie exclusivement à travers la nation juive et qui meurt au service de ceux qu’il aime le plus, mais dont il tient à se distinguer. […] Cette confusion avec la vie du monde donne à notre vie une grandeur, une beauté incomparables… » Ainsi attaché à la splendeur universelle, il défie le destin. « J’ai confiance que quoi qu’il arrive aujourd’hui, demain, dans huit jours, je me suis monté assez haut pour dominer les événements et ne les regarder qu’avec curiosité ». […] Et encore : Je regarde.