Jetons un regard sur nous-mêmes, et demandons-nous si dans notre vie, dans notre cœur, depuis l’âge de la jeunesse jusqu’à celui des dernières années, il n’y a pas de ces distances infinies, de ces abîmes secrets, de ces ruines morales peut-être, qui, pour être plus cachées, n’en sont pas moins réelles et profondes. […] Et quand, après cela, j’arrête mes regards sur cette immense Éternité, fixe, immobile, vaste comme mon cœur, inépuisable comme ses désirs, je voudrais, je voudrais m’élancer dans ses profondeurs.
La Bruyère excelle et se complaît à ces portraits d’un détail accompli, qui vont deux par deux, mis en regard et contrastés ou même concertés : Démophon et Basilide, le nouvelliste Tant-pis et le nouvelliste Tant-mieux ; Gnathon et Cliton, le gourmand vorace qui engloutit tout, et le gourmet qui a fait de la digestion son étude. […] Il semblait donc, étant le dernier à opiner, devoir lever le partage et décider entre les concurrents ; chacun tâchait par ses regards de l’attirer dans son parti, lorsque, prenant la parole, il dit :« Je n’ai pas oublié, Messieurs, qu’un des principaux statuts de cet illustre Corps est de n’y admettre que ceux qu’on en estime les plus dignes : vous ne trouverez donc pas étrange, Messieurs, si je donne mon suffrage à M.