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468. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIX. M. Cousin » pp. 427-462

Mais la Critique, sous peine d’être incomplète, sous peine de ne voir que la moitié des choses, a droit de regard sur le succès autant que sur les compositions qui l’obtiennent — si souvent sans le mériter. […] Cousin, le psychologue, n’en a pas éclairé le fond, comme l’eût fait un grand moraliste, doué de ce genre de regard qui s’enfonce dans les cœurs. […] Les choses se renversent sous ses regards et dans sa conscience.

469. (1897) Un peintre écrivain : Fromentin pp. 1-37

Mettez en regard cette figure d’homme, assez sombre également, évoquée par un contemporain, d’après une ancienne peinture : « Le voici encore devant moi, toujours le même et toujours nouveau. […] Sur le visage presque imberbe, toutes les lignes sont fermes et précises comme sur un bronze ciselé avec insistance ; la peau recouvre d’une pâleur fauve des muscles secs, accoutumés à se manifester par un frémissement sauvage dans le désir ou dans la colère ; le nez droit et rigide, le menton osseux et étroit, les lèvres sinueuses, mais énergiquement serrées, exprimant la volonté téméraire ; et le regard est pareil ù une belle épée, dans l’ombre d’une chevelure épaisse, lourde et presque violette comme les grappes de raisin embrasées par le soleil sur le sarment le plus vivace. […] Voilà ce fier Dominique qui aime Madeleine et qui la torture savamment par l’aveu gradué et dosé de son amour ; voilà un galant homme qui compromet une honnête femme, qui résiste à toutes les supplications qu’elle lui adresse de s’éloigner ; voilà, d’autre part, cette exquise Madeleine réduite à des imprudences lamentables et chez qui on voit s’obscurcir le clair regard qu’elle promenait sur la vie ; nous assistons à ce spectacle d’une créature d’élite qui s’approche du mal jusqu’aux extrêmes limites où l’instinct, qui sauve encore, ne détruit pas toute responsabilité ; nous la voyons tourmentée, éperdue, sur le point de succomber, puis séparée à jamais de celui qu’elle a aimé, et incapable sans doute de retrouver la paix pour laquelle on la sentait faite.

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