Par cet amour qui vous fait embrasser tout le genre humain, qui vous a fait descendre du ciel et revêtir notre humanité nue, qui vous a fait souffrir la faim, la soif, le froid, la chaleur, le labeur, les moqueries, le mépris, les coups, la flagellation, la mort enfin sur une croix ; par cet excès d’amour, ô mon Sauveur Jésus, je vous supplie et vous conjure de détourner vos regards, votre face de mes péchés, afin que cité à comparaître devant votre tribunal, ce que je sens devoir être très-prochain, je ne sois pas puni pour mes fraudes, mes péchés, mais pardonné par les mérites de votre croix : qu’il plaide, qu’il plaide en ma faveur, ce sang, le plus précieux de tous, que vous avez répandu sur ce sublime autel de notre rédemption, et pour rendre l’homme libre, donner à l’homme la liberté. » Après ces paroles et d’autres encore, devant tous les assistants en pleurs, le prêtre ordonna qu’on le relevât et qu’on le mît dans son lit pour qu’on lui administrât plus facilement le sacrement : il s’y opposa d’abord ; mais, de crainte de manquer d’obéissance au vieillard, il se laissa fléchir, et répétant avec fermeté les paroles sacramentales, déjà sanctifié et vénérable par une sorte de majesté divine, il reçut le corps et le sang du Seigneur. […] votre bénédiction, mon père, avant de me quitter. » Aussitôt, courbant la tête, abaissant son regard et offrant la plus parfaite image de la piété, il répondit de mémoire et sacramentalement aux paroles et aux prières du prêtre, nullement ému de l’expression de la douleur de ses familiers qui éclatait et ne se dissimulait plus. […] Mais ce qu’il y eut de plus beau dans une circonstance si triste, ce fut le tableau de ce père qui, de son côté ne voulait pas, par sa tristesse, aggraver la tristesse de son fils, se faisait un autre visage, contenait ses larmes dans ses yeux, et ne laissait aucunement paraître son âme brisée, tant que son fils était sous son regard : ainsi, tous deux faisaient violence à leur affection et s’efforçaient de rentrer leurs larmes, l’un par piété filiale et l’autre par piété paternelle.
Il a recueilli avec une sagacité minutieuse et patiente tout ce qui, dans l’homme qu’on voit, trahit et découvre l’homme qu’on ne voit pas, port de tête, regard, démarche, accent, geste, mot, tics et plis, habitudes physiques, actions mécaniques ou familières. A chaque instant les expressions générales et simplement intelligibles se résolvent sous la plume de La Bruyère en petits faits sensibles454: ainsi, voulant indiquer le plaisir de faire du bien, il ne trouve pas de plus forte expression qu’une impression physique, le choc de deux regards qui se rencontrent et parlent : « Il y a du plaisir à rencontrer les yeux de celui à qui on vient de donner ». […] Il est intéressant d’y voir Fénelon, comme dans les Dialogues sur l’éloquence et dans la Lettre à l’Académie, jeter un regard vers les beaux-arts, essayer d’intéresser son élève à la peinture, juger Raphaël, ou Titien, ou Poussin.