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1611. (1892) Essais sur la littérature contemporaine

Il en a même demandé moins, dans ses derniers vers, qu’il écrivait six mois à peine avant sa mort : Jeune postérité d’un vivant qui vous aime, Mes traits dans vos regards ne sont pas effacés. […] Voici les modernes en foule, Bacon, Descartes, Malebranche, Bossuet, Fénelon, Pascal, Leibniz ; — ceux dont le regard, pour y atteindre l’être, a essayé de percer les profondeurs du monde ; et ceux qui, moins ambitieux d’abord, mais presque plus hardis dans la suite, ont fouillé l’âme humaine pour y surprendre le secret de l’univers : — Berkeley, Hume, Rousseau, Kant, Fichte Schelling, Hegel, Schopenhauer. […] C’est elles que nous sentons parfois douloureusement tressaillir, pour les troubler, dans nos joies les plus pures ; c’est elles qui gardent fidèlement, — on serait tenté de dire pieusement, — la mémoire affaiblie de nos impressions très lointaines, très anciennes, pour nous les rendre un jour ; c’est elles que nos semblables froissent en nous sans le vouloir, sans le savoir, parce qu’ils ne connaissent pas toujours le pouvoir d’un mot ou d’un regard ; c’est elles que nous nous étonnons de découvrir en nous, quand jusqu’alors oisives, un accident, tragique ou banal, banal pour les autres et tragique pour nous, les émeut brusquement ou les offense pour la première fois. […] « Ce que nous pressentons, dit un ancien rhéteur, fait en nous plus d’impression que ce qui s’offre sans voile à nos regards. […] C’est pour une raison du même genre encore, parce qu’ils n’ont pas vécu, parce qu’ils ne savent pas observer, parce qu’ils sont incapables d’étendre leur regard de myopes au-delà de l’étroit horizon que les circonstances ont déterminé pour eux, que, si nos jeunes romanciers approchent quelquefois de la vérité, ce n’est guère que dans quelques « scènes de la vie parisienne ».

1612. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre IV. La philosophie et l’histoire. Carlyle. »

Une friperie de décorations officielles la cache aux regards des hommes. […] Il a beau essayer de comprendre Voltaire, il n’arrive qu’à le diffamer1449. « Il n’y a pas une seule grande pensée dans ses trente-six in-quartos… Son regard s’arrête à la superficie de la nature ; le grand Tout, avec sa beauté et sa mystérieuse grandeur infinie, ne lui a jamais été révélé ; même un seul instant ; il a regardé et noté seulement tel atome, et puis tel autre, leurs différences et leurs oppositions1450… Sa théorie du monde, sa peinture de l’homme et de la vie de l’homme, est mesquine, pitoyable même, pour un poëte et un philosophe.

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