Née d’une famille noble de Bourgogne, Mlle de Chamrond avait reçu une éducation très irrégulière, très incomplète, et ce fut son esprit seul qui en fit tous les frais. […] Mme Du Deffand regrettait souvent de n’avoir pas eu une autre éducation, et maudissait celle qu’elle avait reçue : On se fait quelquefois, disait-elle, la question si l’on voudrait revenir à tel âge ? […] Dans un voyage de santé qu’elle fit aux eaux de Forges pendant l’été de 1742, elle écrivit plusieurs lettres au président Hénault et en reçut bon nombre de lui. […] Il est vrai qu’elle avait déjà reçu une lettre de lui la veille, et cette lettre était surtout pour lui recommander le secret, la prudence.
S’il est des vanités qu’on excuse et qui trouvent grâce par leur air bienveillant et naturel, celle-ci était trop peu indulgente et trop aiguë pour se faire pardonner insensiblement ; et comme, dans ces sortes d’ouvrages, c’est bien plutôt le caractère et la personne qu’on juge que le talent de l’artiste, le public a reçu au total une impression désagréable ; sans faire bien exactement la double part du talent et du caractère, après quelques semaines d’hésitation et de lutte, il a dit de ces Mémoires en masse : « Je ne les aime pas. » Ils sont peu aimables en effet, et là est le grand défaut. […] M. de Chateaubriand avait reçu ce don le plus rare. […] On pourrait affirmer, à la simple vue, que certaines pages, qui portent la date de 1822, ont reçu une couche de 1837. […] Ce sont les gestes d’un jeune homme et les retours d’imagination d’un vieillard, ou, s’il n’était pas vieillard alors qu’il écrivait, d’un homme politique entre deux âges, qui revient à sa jeunesse dans les intervalles de son jeu, de sorte qu’il y a bigarrure, et que par moments l’effet qu’on reçoit est double : c’est vrai et c’est faux à la fois. » On en pourrait dire autant de la plupart des mémoires nés avant terme et composés en vue d’un effet présent.