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583. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Théâtre » pp. 83-168

Et nous voici, rue Mogador, au cinquième, dans l’appartement de l’actrice qui a rapporté Musset de Russie, et où une vierge byzantine au nimbe de cuivre doré rappelait le long séjour de la femme là-bas. […] Lemoine-Montigny, à la date d’avril 1852, me parlant de la fraîcheur d’un acte au Bas-Meudon, et qui me rappelle vaguement que nous avons cherché une pièce dans notre premier roman. […] Voici la route de Bellevue, et, sur cette route, nous rencontrons tenant par la main un joli enfant, la jeune fille, jeune femme aujourd’hui, que l’un de nous a eu, au moins pendant huit jours, la très sérieuse pensée d’épouser… et qui nous rappelle du vieux passé… Il y a des années qu’on ne s’est vu… On s’apprend les morts et les mariages… et l’on nous gronde doucement d’avoir oublié d’anciens amis… Puis nous voilà dans la maison de santé du docteur Fleuri, causant avec Banville, et croisant dans notre promenade, le vieux dieu du drame, le vieux Frédérick Lemaître… « … Dans tout cela, par tous ces chemins, en toutes ces rencontres, au milieu de toute notre vie morte que le hasard ramène autour de nous et qui semble nous mener à une vie nouvelle, nous roulons, les oreilles et les yeux aux bruits et aux choses comme à des présages bons ou mauvais, et prêtant à la nature le sentiment de notre fièvre… En rentrant : rien. » Une semaine après, nous apprenions que notre pièce n’était ni reçue ni refusée, que Beaufort voyait un danger dans la mise à la scène de la petite presse… qu’il attendait. […] Quand je disais dans ma préface de Germinie Lacerteux qu’il était possible d’intéresser le public avec « des infortunes, et des larmes de peuple », on se rappelle les superbes négations qui se produisirent32 ; il me semble que les succès des derniers romans peuple m’ont donné largement raison. […] Feydeau, dans un remarquable article, rappelait que ce fait d’une haute protection n’était pas nouveau ; que M. 

584. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse sociologique »

Il serait facile de multiplier les exemples de ce genre, de rappeler tout ce que nous avons dit et ce qui est notoire sur la diversité des individus qui composent une nation, dans un même pays, de faire remarquer combien les immenses migrations des races indo-européennes, mongoles, ou sémitiques ont peu contribué, en somme, à oblitérer les quelques traits généraux qu’on leur reconnaît. […] Si l’on peut établir d’une part que l’œuvre d’art est l’expression des facultés, de l’idéal, de l’organisme intérieur de ceux qu’elle émeut ; si l’on se rappelle que l’œuvre d’art est, par démonstration antérieure, l’expression de l’organisme intérieur de son auteur, on pourra de celui-ci passer à ceux-là, par l’intermédiaire de l’œuvre, et conclure chez ses admirateurs à l’existence d’un ensemble de facultés, d’une âme analogue à celle de son auteur ; en d’autres termes, il sera possible de définir la psychologie d’un homme, d’un groupe d’hommes, d’une nation, par les caractères particuliers de leurs goûts qui tiennent, comme nous allons le voir, à tout leur être même, à ce qu’ils sont par le caractère, la pensée et les sens. […] Qu’il suffise de rappeler qu’un lecteur animé de dispositions bienveillantes et humanitaires ne goûtera pas pleinement des livres exprimant une misanthropie méprisante, comme l’Éducation sentimentale ; de même, un homme à l’esprit prosaïque et précis sera difficilement saisi d’admiration à la lecture de poésies qui font appel au sens du mystère, ou essayent de susciter une mélancolie sans cause. […] À titre de symptôme d’une époque, rappelons, entre autres choses, que l’Essai sur l’inégalité des races humaines (1853-1855) de Gobineau, mort en 1882, venait d’être republié en 1884. […] Rappelons que Binet et Féré venaient tout juste de publier leur livre sur le « magnétisme animal » (Alcan, 1887), relançant le débat sur cette vieille question qui a traversé tout le xixe  siècle.

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