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769. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre onzième. »

Je l’ai dit : un esprit spéculatif, que des événements plus forts que ses penchants, des passions plus fortes que sa raison, avaient jeté dans une carrière d’intrigue et d’action. […] Il admirera la vérité cherchée avec l’âpre sagacité d’un homme d’esprit qui a été dupe, avec l’ardeur d’un honnête homme qui se venge de ses passions par sa raison. […] Il n’a pas voulu voir la vérité dans Pascal, parce que cette vérité, marquée de l’esprit du christianisme, n’est que la mise en état de suspicion de la raison, à laquelle Voltaire avait donné l’infaillibilité. […] Il en faut lire avec d’autant plus d’attention et de confiance la dernière édition, soit pour les maximes ainsi modifiées, qui marquent le point où la raison du moraliste s’est dégagée tout à fait des rancunes et des arrière-pensées de l’homme, soit pour les maximes dont il a gardé la rédaction primitive. […] Malgré le désintéressement qui lui fit retrancher toutes les maximes trop particulières, et toutes les généralités hasardées, le malaise de sa vie à cette époque, ses froissements personnels, ses luttes, sa passion pour Mme de Longueville, à laquelle il eût sacrifié l’Etat, lui avaient fait un fond d’humeur qui s’épancha dans ses pensées et attrista sa raison d’une manière irréparable.

770. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre II. Marche progressive de l’esprit humain » pp. 41-66

La trace de ces premiers pas est souvent effacée, l’organisation de ces premières sociétés a entièrement disparu ; mais ce qui n’a point péri, c’est l’influence encore subsistante de toutes les origines, de toutes les raisons d’être. […] Une génération ne commence pas et ne finit pas dans un désert : aucun fait n’est isolé ; rien, en un mot, n’existe de soi et sans raison de son existence. […] Les livres de l’Ancien Testament sont à la fois historiques et symboliques : ce double attribut a épouvanté la raison de nos sages. […] Pour le remarquer en passant, Plutarque a épuisé, dans ce beau traité, toutes les raisons qui peuvent porter la Divinité à retarder la punition des coupables ; il n’en a omis qu’une, et la meilleure de toutes, le respect que Dieu s’est imposé pour la liberté de l’homme. […] Il en est ainsi de toutes les idées qui auraient le plus choqué la raison humaine dans le christianisme.

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