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765. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — II. (Fin.) » pp. 427-443

Tels sont ses vœux du moins et ses rêves de sensibilité et de sagesse, les jours où la raison lui parle et où il semble plus enclin à l’écouter. […] Il raconte la visite que lui fit un peintre, un professeur de l’Académie de Venise : « Nous avons naturellement beaucoup causé peinture, mais nous ne nous entendions pas parfaitement, et toujours par la même raison : il me parlait toujours des grands maîtres, et moi de la nature. » Assistant à une exposition de tableaux à Venise (août 1833), il est frappé de la singulière faiblesse des ouvrages et de l’absence de toute originalité. […] La raison m’en paraît simple, et je veux chercher à vous l’expliquer ; je ne sais si elle vous paraîtra juste. […] Je m’y livre entièrement et sans raison quelquefois, car la peinture doit être faite plus simplement. » On aurait pu lui appliquer ce qu’il disait d’un grand peintre contemporain qui n’en finissait pas, et ne parvenait jamais à se satisfaire. […] trop souvent notre raison n’est pas assez forte pour combattre le mal qui nous arrive.

766. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Poésies, par Charles Monselet »

C’est assez montrer que Monselet a pu être poëte ; raison et nécessité, il a dû préférer la prose. […] Il faut bien aussi que je fasse mon métier de critique grave, d’écrivain de grand journal, et que je ne donne pas raison en tout, que je ne paraisse pas rendre les armes à mon auteur d’aujourd’hui, à ce « premier d’entre les petits journalistes », ainsi que je l’ai entendu qualifier, et qui sans cela pourrait bien se rire de nous. […] Hors de là il est terre à terre : il broche et publie ses feuilles moins pour dire la vérité qui le possède et l’enflamme, moins pour satisfaire à une passion de bon sens et de raison, que pour s’en faire un moyen de subsistance ou de fortune. […] Selon moi, il n’a pas tiré un parti assez sérieux de Linguet et de ses nombreux écrits ; Linguet le paradoxal, si éloquent lorsqu’il a raison ; celui de qui Voltaire écrivait dans une lettre à Condorcet (24 novembre 1774) : « Si ce Linguet a d’ailleurs de très-grands torts, il faut avouer aussi qu’il a fait quelques bons ouvrages et quelques belles actions » ; celui dont Mme Roland, qui l’avait vu à Londres en 1784, a parlé comme d’un homme « doux, spirituel, aimable », corrigeant dans sa personne et dans sa conversation ce que sa plume pouvait avoir d’âpre et d’amer, et en particulier (chose rare chez un exilé) ne s’exprimant sur la France et les Français qu’avec circonspection, réserve et modestie17. […] Comme son Bourgoin « qui a renoncé à faire un chef-d’œuvre », il jette au vent d’heureux dons, de l’imagination, de la fantaisie, de l’esprit sans jargon, de la malice souvent fort leste, mais sans fiel : il y joint du sens, un fonds de raison, un avis à lui et bien ferme.

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