En effet, l’élément sensitif n’a pas de raison d’être sans l’élément moteur qui indique sa présence, et l’élément moteur n’aurait pas de raison d’être sans l’élément musculaire sur lequel son influence doit se manifester. […] La raison parvient sans doute à exercer le même empire sur les sentiments moraux. L’homme peut arriver par la raison à empêcher les actions réflexes sur son cœur ; mais plus la raison pure tendrait à triompher, plus le sentiment tendrait à s’éteindre. […] Toutefois, la raison, même en servant de correctif au sentiment, ne le fait pas disparaître. […] La raison ou le raisonnement développe ensuite l’idée et déduit ses conséquences logiques ; mais si le sentiment doit être éclairé par les lumières de la raison, la raison à son tour doit être guidée par l’expérience, qui seule lui permet de conclure.
Et elle a raison de le faire, car à cette condition seulement le vivant offrira à notre action la même prise que la matière inerte. […] La raison en est que notre philosophie a son point de départ dans les grandes découvertes astronomiques et physiques des temps modernes. […] Si elle était pure conscience, à plus forte raison supra-conscience, elle serait pure activité créatrice. […] Pour ces diverses raisons, on aurait tort de considérer l’humanité, telle que nous l’avons sous les yeux, comme préformée dans le mouvement évolutif. […] C’est dans un sens bien différent que nous tenons l’humanité pour la raison d’être de l’évolution.