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1939. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — I. » pp. 127-148

Les conversations où j’entrais en étaient plus agréables ; la manière modeste dans laquelle je proposais mes opinions leur procurait un plus facile accueil et moins de contradiction ; j’avais moins de mortification moi-même quand je me trouvais dans mon tort, et je venais plus à bout de faire revenir les autres de leurs erreurs et de les faire tomber d’accord avec moi quand je me trouvais avoir raison. […] Quand il s’agira de fonder l’ordre de Cincinnatus, il y sera opposé avec grande raison, mais il ne fera aucune réserve en faveur de la chevalerie, considérée historiquement et dans le passé. […] C’était une place pour lui très importante en elle-même, et en raison des affaires d’impression qu’elle lui procurait.

1940. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — I. » pp. 329-349

Pour donner idée de Colbert, il croyait nécessaire de tracer auparavant l’idéal d’un administrateur des finances, et il amenait cette sorte de description générale et abstraite, à l’aide d’une raison des plus subtiles : Pour faire admirer un grand ministre, quelque supérieur qu’il soit, il faut encore user d’adresse avec la faiblesse et la malice humaines ; il faut peut-être présenter ses qualités séparées de son nom et de sa personne ; car les plus grandes perfections cessent de nous étonner quand nous les contemplons dans un homme : le rapport physique que nous nous sentons avec lui détruit notre respect, et nous ne croyons point à la grandeur de ce qui nous ressemble. […] C’est par la même raison, par l’effet d’un tact peu français, que M.  […] Necker, en s’attaquant à Turgot « comme n’ayant que le désir et le soupçon de la grandeur sans en avoir la force », semblait se désigner assez distinctement en plus d’un endroit à titre de ministre bien préférable : « S’il y avait constamment à la tête de l’administration, disait-il, un homme dont le génie étendu parcourût toutes les circonstances ; dont l’esprit moelleux et flexible sût y conformer ses desseins et ses volontés ; qui, doué d’une âme ardente et d’une raison tranquille, etc. » Si l’on ne pense pas à soi en parlant ainsi et en décrivant si complaisamment celui qu’on appelle, il y a au moins manque de tact, puisqu’on fait croire à tout le monde qu’on y a pensé.

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