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455. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIe entretien. Littérature italienne. Dante. » pp. 329-408

Le ciel, la mer, les montagnes, les fleuves, la race, la langue, les religions, les grandeurs et les revers de la destinée, le passé presque fabuleux, le présent triste, l’avenir toujours prêt à renaître, et toujours trompeur, la jeunesse éternelle de ce sang italien qui roule toutes sortes de royautés déchues dans ses veines, une noblesse de peuple-roi dans le dernier laboureur de ses plaines ou dans le dernier pasteur de ses montagnes, une rivalité de villes capitales, telles que Naples, Rome, Florence, Sienne, Pise, Bologne, Ferrare, Ravenne, Vérone, Gênes, Venise, Milan, Turin, ayant toutes et tour à tour concentré en elles l’activité, le génie, la poésie, les arts de la patrie commune, et pouvant toutes aspirer à la royauté intellectuelle d’une troisième Italie, voilà les explications de cette aristocratie indélébile de l’esprit humain au-delà des Alpes. […] Car ce n’est pas la race qui est déchue en elle, c’est le sort. […] Cette race, dans la politique, dans le commerce, dans la guerre, avait des facultés innées qui éclataient souvent en individualités colossales. […] Il y avait je ne sais quel contraste blessant entre la sérénité épanouie de cette race et la mélancolie maladive de mon esprit. […] J’en expliquerai d’avance et d’une façon générale le caractère allégorique en disant que le dessein principal de l’auteur est démontrer, sous des couleurs figuratives, les trois manières d’être de la race humaine. « Dans la première partie il considère le vice, qu’il appelle Enfer, pour faire comprendre que le vice est opposé à la vertu comme son contraire, de même que le lieu déterminé pour le châtiment se nomme Enfer à cause de sa profondeur, opposée à la hauteur du ciel.

456. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre II. Vérification de la loi par l’examen de la littérature française » pp. 34-154

En se plaçant à un point de vue plus abstrait, on pourrait parler de l’ère de la raison universelle ; ce principe, contenu déjà dans la Renaissance italienne, ne trouve sa pleine réalisation qu’en France ; c’est qu’il répond merveilleusement à l’esprit de la race ; « race logicienne…, positive et réaliste…, race de bon sens, les idées la mènent…, plus raisonnable que morale…, elle a le plus vif sentiment de l’unité » (Lanson). […] Qu’on les prenne dans cet ensemble, ou isolément, elles sont une affirmation de l’art souverain, qui crée avec de vieux matériaux, qui renouvelle toutes les formes, qui est bien de son temps et de sa race, mais qui resplendit de vérité pour tous les temps et pour l’humanité. […] Question de race ? […] Qui donc se flattera de définir le caractère d’une race, en Europe, après la colonisation romaine, après l’invasion des barbares, après « l’empreinte » catholique, après tant d’échanges européens ? Résignons-nous à avoir toujours, dans notre équation, au moins une inconnue ; et, au lieu de races, parlons de nations ; ici nous avons des éléments matériels qu’il est plus aisé d’évaluer à peu près : les dates du groupement, ses vicissitudes, ses intérêts communs, sa situation géographique, ses conditions d’existence, le climat et les esprits directeurs qui sont d’abord un effet, ensuite une cause, de sorte que tout s’enchaîne et que le passé est la force vive de l’avenir. — Le caractère distinctif d’une nation n’est pas, comme plusieurs semblent le croire, dans telle vertu particulière dont cette nation aurait le monopole ; il est dans l’ensemble, dans un certain dosage des qualités et des défauts que possède chaque nation, mais chacune avec une combinaison différente, avec une orientation particulière.

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