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462. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Discours préliminaire, au lecteur citoyen. » pp. 55-106

  Ce seroit sans doute ici le lieu de répondre à une foule de Libelles qui ont attaqué ma personne par des calomnies également absurdes & atroces. […] Qu’il ait osé imprimer, avec la véracité qu’on lui reconnoît, que j’ai composé un Livre d’athéïsme ; que, mis en prison à Strasbourg, je m’occupai, pendant ma captivité, à faire des Vers infames ; je n’ai qu’un mot à répondre : Je n’ai jamais écrit sur l’athéïsme, que pour m’élever contre les Athées ; de ma vie je n’ai été mis dans aucune prison ; de ma vie je n’ai vu Strasbourg que sur la carte. […] Cette assertion a été répétée dans un Libelle anonyme, auquel j’ai répondu dans un Libelle anonyme, auquel j’ai répondu dans ma Lettre à un Journaliste, & que l’Auteur a désavoué depuis ma réponse. […] Le reproche de partialité s’est également étendu sur les Auteurs que nous avons loués ; mais nous y avons répondu assez au long dans l’Avertissement de la seconde édition.

463. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Bussy-Rabutin. » pp. 360-383

C’est le grief qu’avait contre lui précisément Louis XIV, quand il disait : « M. de Bussy a fait des plaisanteries de quelques personnes que j’aime. » C’est ce que M. de Turenne lui reprocha également, un jour que Bussy se plaignait de n’être pas traité par lui avec plus d’amitié dans les diverses rencontres : « Il (M. de Turenne) me répondit qu’on l’avait assuré que je n’étais point de ses amis, et que même, contre la parole que je lui donnerais d’en être, s’il lui arrivait un malheur à la guerre, j’étais un homme à en plaisanter. » Il était fâcheux à Bussy d’avoir donné une pareille idée de lui à tout le monde, et à M. de Turenne en particulier, et d’être jugé incapable de résister au plaisir de faire une chanson. […] Mais quand Louis XIV en personne traverse la Bourgogne à la tête de son armée, dans l’hiver de 1668, quand on va faire la conquête de la Franche-Comté sous les yeux de Bussy et à sa porte, il n’y tient plus, il laisse s’exhaler sa douleur ; « Je suis presque au désespoir, s’écrie-t-il, quand je songe que j’aurai vécu dans un règne plein de merveilles, auxquelles le moindre soldat des gardes aura plus de part que moi. » Louis XIV était implacable et glacé ; il remettait Bussy de campagne en campagne : « Pas encore pour celle-ci, nous verrons pour une autre », répondait-il aux sollicitations perpétuelles qui lui venaient de la part du pauvre disgracié ; et les années s’écoulaient, et Bussy, toujours déçu, espérait toujours. […] Il est vrai qu’il me répondit si froidement, que je ne doutai pas de quelque nouvelle disgrâce. […] Mais ce qui reste vrai et ce qu’il importe de bien remarquer, c’est que le mérite de M. de Turenne, à force de persister et d’éclater à tous les yeux, finit par désarmer Bussy, qui écrivait à Mme de Sévigné, le 20 mars 1675 : « Je ne réponds point à vos nouvelles du mois de janvier… Je vous dirai seulement que j’aime autant M. de Turenne que je l’ai entendu haï ; car, pour vous dire la vérité, mon cœur ne peut plus tenir contre tant de mérite. » Et au moment de la mort du grand capitaine : « Je suis si rempli du mérite du maréchal de Turenne que je ne puis me lasser d’en parler, et quand je suis épuisé sur cette matière, je redis ce que les autres ont bien dit. » Et il transcrit l’éloge que Guilleragues, secrétaire du cabinet, avait fait de lui dans la Gazette. — On sait, de plus, que le premier président de Lamoignon s’était mis en tête de réconcilier Bussy avec M. de Turenne, et qu’il y avait trouvé ce grand homme tout disposé. Et là-dessus Bussy ayant écrit à son ancien général une lettre de compliment et de reconnaissance, Turenne lui avait répondu par une lettre qui, « dans sa manière courte et sèche (c’était son genre), était peut-être une des plus honnêtes qu’il ait jamais écrites ». — Je crois maintenant en avoir assez dit, mais il m’était resté comme un remords de n’avoir caractérisé qu’imparfaitement ce portrait de Turenne par Bussy, lequel portrait, d’ailleurs, est en soi l’une des pièces les plus nettes et les plus achevées de notre littérature : c’est un simple dessin sans couleur aucune, mais des plus expressifs et des plus parlants.

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