Ses lettres confidentielles, intimes et sublimes révélations à son ami le plus cher, montrent une résignation portée jusqu’à l’indifférence, en tout ce qui touche à la gloire éphémère des lettres… C’était une de ces âmes froissées par la réalité commune, tendrement éprises du beau et du vrai, douloureusement indignées contre leur propre insuffisance à le découvrir, vouées, en un mot, à ces mystérieuses souffrances dont René, Oberman et Werther offrent, sous des faces différentes, le résumé poétique.
Le défaut le plus capital de Stello, qu’on retrouve également dans Cinq-Mars et dans tous les ouvrages en prose de M. de Vigny, c’est un certain manque de réalité, une certaine apparence de poétique chimère, qui tient moins encore à l’arrangement et à la symétrie qu’à un jour mystique, glissant on ne sait d’où, au milieu même des plus vrais et des plus étudiés tableaux. […] Mérimée, parmi nous, dans ses cadres restreints, s’est montré irréprochable sur ce point de la réalité : sa peinture serrée et fidèle, toute confinée à l’objet qu’elle exprime, laisserait percer plutôt une aversion, une méfiance trop contraires à ce qui est un faible chez M. de Vigny. […] c’est que le principe d’où partent ces inadvertances légères s’étend insensiblement à tout le récit et lui ôte un air de réalité, au milieu de beautés philosophiques et pathétiques du premier ordre. […] Cette assertion serait inexplicable, si je ne me rappelais que De Vigny était l’homme qui avait le moins conscience de la réalité et des choses existantes ; dès qu’il avait le moins du monde intérêt, — un intérêt d’amour-propre ou d’imagination, — à ne pas voir un fait, il ne le voyait pas.