Cela signifie aussi, par suite, que le poète ne copie pas exactement la réalité, mais ne lui emprunte que ce qui correspond, en elle à l’impression qu’il veut traduire… Mais est-ce qu’il ne vous semble pas que nous nous doutions un peu de ces choses ? […] La réalité a toujours pour lui le décousu et l’inexpliqué d’un songe… Il a bien pu subir un instant l’influence de quelques poètes contemporains ; mais ils n’ont servi qu’à éveiller en lui et à lui révéler l’extrême et douloureuse sensibilité, qui est son tout.
Mais, mieux avertis, nous lirons mieux ses Élégies, et, sachant quelle triste réalité y est pleurée et que ce ne sont point là souffrances en idée ni sanglots de rêve, « nous irons de confiance », si je puis dire, et nous compatirons avec plus de sécurité aux beaux désespoirs de notre Sapho bourgeoise. […] Ils demeurent gens de théâtre par une innocente exagération de langage et par de petites déformations avantageuses de la réalité. « À vingt ans, dit Marceline, des peines profondes m’obligèrent de renoncer au chant, parce que ma voix me faisait pleurer. » L’explication est charmante ; mais la vérité, c’est qu’elle perdit la voix à la suite de ses couches, et qu’elle avait alors vingt-trois ans, et non pas vingt.