Il comprit combien une solide & élégante dialectique seroit plus convenable au barreau qu’une éloquence d’apparat ; combien on faciliteroit aux juges le moyen de voir clair dans une cause & d’opiner surement, si on préféroit, à l’adresse & aux faux raisonnemens de l’art, l’exposition simple des faits, les principes nécessaires pour décider les questions controversées, les conséquences qui en résultent, & enfin la discussion des difficultés. […] On trouve, dans ceux qui furent appellés les deux lumières du barreau, des applications forcées, un assemblage d’idées singulières & de mots emphatiques, un ton insupportable de déclamateur ; quelques belles images, il est vrai, mais souvent hors de place ; le naturel sacrifié à l’art, & l’état de la question presque toujours perdu de vue.
Et quel motif peut réunir des gens d’esprit, sinon le désir d’agiter ensemble les questions majeures Depuis deux siècles en France la conversation touche à tout cela ; c’est pourquoi elle a tant d’attraits. […] Sans doute, on y babille ; mais, au plus fort des caquets, qu’un homme de poids avance un propos grave ou agite une question sérieuse, l’attention commence à se fixer à ce nouvel objet ; hommes, femmes, vieillards, jeunes gens, tous se prêtent à le considérer sous toutes les faces, et l’on est étonné du bon sens et de la raison qui sortent comme à l’envi de ces têtes folâtres ». — À dire vrai, dans cette fête permanente que cette brillante société se donne à elle-même, la philosophie est la pièce principale. […] Vers le café arrive la question de l’immortalité de l’âme et de l’existence de Dieu. […] Voilà les questions qui entrent dans les salons sous les auspices du roi, par l’organe de Quesnay, son médecin, « son penseur », fondateur d’un système qui agrandit le prince pour soulager le peuple, et qui multiplie les imposés pour alléger l’impôt. — En même temps, par la porte opposée, arrivent d’autres questions non moins neuves. « La France525 est-elle une monarchie tempérée et représentative, ou un gouvernement à la Turque ? […] Le roi se rappelle qu’il a rendu l’état civil aux protestants, aboli la question préparatoire, supprimé la corvée en nature, établi la libre circulation des grains, institué les assemblées provinciales, relevé la marine, secouru les Américains, affranchi ses propres serfs, diminué les dépenses de sa maison, employé Malesherbes, Turgot et Necker, lâché la bride à la presse, écouté l’opinion publique552.