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1297. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Quelques documents inédits sur André Chénier »

De là souvent un peuple qui aime à rire ne voit que diable et qu’enfer. » Il se réservait pourtant de grands et sombres tableaux à retracer : « Lorsqu’il sera question des sacrifices humains, ne pas oublier ce que partout on a appelé les jugements de Dieu, les fers rouges, l’eau bouillante, les combats particuliers. […] En lisant une épigramme de Platon sur Pan qui joue de la flûte, il en remarque le dernier vers où il est question des Nymphes hydriades ; je ne connaissais pas encore ces nymphes, se dit-il ; et on sent qu’il se propose de ne pas s’en tenir là avec elles. […] Au sein de cette future édition difficile, mais possible, d’André Chénier, on trouverait moyen de retoucher avec nouveauté les profils un peu évanouis de tant de poëtes antiques ; on ferait passer devant soi toutes les fines questions de la poétique française ; on les agiterait à loisir.

1298. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (2e partie) » pp. 305-367

Je vois maintenant un prince révolutionnaire demander grâce tour à tour aux royalistes d’être un fils de la Convention, aux républicains d’être un roi sur un trône, aux étrangers d’être l’élu d’une insurrection, aux bonapartistes d’être un Bourbon, à la démocratie d’être un petit-neveu de Louis XIV, à l’aristocratie d’être l’élu d’une démocratie ; je le vois forcé de faire effacer ses armoiries sur les portes de son palais, comme un crime de sa naissance envers un peuple qui ne veut plus d’ancêtres ; forcé de donner à sa nièce, dans les cachots de Blaye, la question de la pudeur sacrée de la femme, de constater le flagrant délit de son sexe pour déconsidérer, par-devant témoins, ses partisans ; supplice que l’antiquité n’avait pas inventé et qu’un parti acharné contre la royauté exige d’elle comme une concession à l’ignobilité de sa haine. […] On leur pose alors, pour les embarrasser, la terrible question du jugement et du supplice du roi. […] Nous écrivions les scènes, les portraits, les paroles, à mesure que ses souvenirs, provoqués par nos questions, se retrouvaient et se déroulaient dans la mémoire du vieillard : c’étaient comme les notes du tableau historique et véridique que je me proposais de composer d’ensemble à mon retour.

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