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528. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Discours préliminaire » pp. 25-70

Mais si vous prenez du raisonnement ce qui trouble l’instinct, sans atteindre à ce qui peut en tenir lieu, ce ne sont pas les qualités que vous possédez qui vous perdent, ce sont celles qui vous manquent. […] Il faut opprimer lorsqu’on ne sait pas convaincre ; dans toutes les relations politiques des gouvernants et des gouvernés, une qualité de moins exige une usurpation de plus. […] En gagnant des batailles, on peut soumettre les ennemis de la liberté ; mais pour faire adopter dans l’intérieur les principes de cette liberté même, il faut que l’esprit militaire s’efface ; il faut que la pensée, réunie à des qualités guerrières, au courage, à l’ardeur, à la décision, fasse naître dans l’âme des hommes quelque chose de spontané, de volontaire, qui s’éteint en eux lorsqu’ils ont vu pendant longtemps le triomphe de la force. […] L’homme a besoin de s’appuyer sur l’opinion de l’homme ; il n’ose se fier entièrement au sentiment de sa conscience ; il s’accuse de folie, s’il ne voit rien de semblable à lui ; et telle est la faiblesse de la nature humaine, telle est sa dépendance de la société, que l’homme pourrait presque se repentir de ses qualités comme de défauts involontaires, si l’opinion générale s’accordait à l’en blâmer : mais il a recours, dans son inquiétude, à ces livres, monuments des meilleurs et des plus nobles sentiments de tous les âges.

529. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis »

Voici les circonstances de cet événement, telles qu’il les a rapportées lui-même : « Une jeune dame douée de grandes qualités personnelles et d’une extrême beauté mourut à Florence : comme elle avait été l’objet de l’amour et de l’admiration générale, elle fut universellement regrettée ; et cela n’était pas étonnant, puisque, indépendamment de sa beauté, ses manières étaient si engageantes, que chacun de ceux qui avaient eu occasion de la connaître se flattait d’avoir la première place dans son affection. […] « M’abandonnant donc à ma passion, je cherchai, par tous les moyens possibles, à découvrir si les charmes de sa conversation répondaient à ceux de sa figure ; et alors je trouvai un assemblage de qualités si extraordinaires, qu’il était difficile de dire si les grâces de son esprit l’emportaient sur celles de sa personne. […] Le détail de toutes ses qualités brillantes m’entraînerait trop loin du but que je me suis proposé. […] Cette passion devint le sujet habituel de ses vers, et il nous reste de lui un nombre considérable de sonnets de canzoni, et d’autres compositions poétiques, dans lesquels, à l’exemple de Pétrarque, tantôt il célèbre la beauté de sa maîtresse et les qualités de son esprit en général, tantôt il s’arrête sur une des perfections particulières de sa figure ou de son âme, d’autres fois il s’attache à décrire les effets de sa passion ; il les peint et les analyse avec toute la finesse et toute la grâce possibles, jointes à une grande perfection de poésie et quelquefois même à une philosophie profonde.

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