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588. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre V. Suite du Père. — Lusignan. »

Voltaire lui-même ne se défend pas d’avoir cherché son succès dans la puissance de ce charme, puisqu’il écrit, en parlant de Zaïre : « Je tâcherai de jeter dans cet ouvrage tout ce que la religion chrétienne semble avoir de plus pathétique et de plus intéressant 17. » Un antique Croisé, chargé de malheur et de gloire, le vieux Lusignan, resté fidèle à sa religion au fond des cachots, supplie une jeune fille amoureuse d’écouter la voix du Dieu de ses pères : scène merveilleuse, dont le ressort gît tout entier dans la morale évangélique et dans les sentiments chrétiens : Mon Dieu !

589. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Deuxième partie. — L’école critique » pp. 187-250

Le plus haut point de l’idéal tragique, dit-il, consiste dans l’opposition de deux puissances morales, harmoniques dans leur essence, mais devenues ennemies, parce qu’elles ont fait alliance avec des passions individuelles, qui, en troublant leur divine pureté, ont rompu momentanément leur accord. Le dénouement, par la destruction des personnalités engagées dans l’action, fait cesser la discorde allumée entre les puissances morales, et l’unité divine de leur idée sort triomphante d’entre les ruines. […] Tout cela est fort ingénieux ; mais tout cela repose sur deux assertions qui ne sont ni évidentes ni démontrées : 1º le comique est le contraire du tragique ; 2º le tragique est le conflit de deux puissances morales. […] Quant aux idées claires des poêles critiques et des critiques poètes, elles peuvent aussi être a priori et positives ; mais elles sont comme si elles n’étaient pas, tant qu’elles n’ont point passé de la puissance à l’acte, quitté les régions de la théorie pour la scène dramatique, et engendré quelque œuvre d’art, qui s’impose à l’admiration du genre humain. […] Certes, s’ils se bornaient à railler ces esprits positifs et raisonneurs, qui, avec le calme sourire du bon sens triomphant, demandent à la poésie une fin pratique en dehors d’elle-même ou l’exposition logique d’une idée claire, renvoyant aux Petites-Maisons les Aristophane et les Shakespeare ; s’ils se bornaient comme Goethe à dire à ces sages : Vous oubliez que l’imagination a ses lois propres auxquelles la raison ne peut pas et ne doit pas toucher, que la fantaisie a la puissance et le droit d’enfanter des créations destinées à rester, pour la raison, des problèmes éternels, et qu’une production poétique est d’autant plus haute, plus large et plus profonde qu’elle échappe davantage à la mesure et à la portée de l’intelligence commune ; s’ils se bornaient à cela, certes il faudrait les remercier.

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