/ 1999
1227. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome I

Le panthéisme germanique n’a pas trouvé d’accents plus forts pour célébrer la souveraine puissance de cette nature « dont nulle idée n’approche ». Le monologue de Faust regardant le signe cabalistique du macrocosme et contemplant « les puissances du ciel qui montent et descendent en se passant de main en main les seaux d’or », cet hymne extatique du vieux Gœthe à la souveraine fécondité de la création paraît froid à côté du morceau de Pascal. […] Quelle puissance magique les a réunis dans cette Cosmopolis grouillante et brutale ? […] Écoutez-le, parlant de lui-même sous le pseudonyme de l’officier Maxence, nouveau venu en Mauritanie : « Il est l’envoyé de la puissance occidentale. […] Léon Daudet n’a, que je sache, jamais refusé à Hugo, par exemple, un don prodigieux d’images, une force de verbe extraordinaire, une puissance de « rendu » incomparable.

1228. (1842) Discours sur l’esprit positif

L’efficacité historique de ces entités résulte directement de leur caractère équivoque : car, en chacun de ces êtres métaphysiques, inhérent au corps correspondant sans se confondre avec lui, l’esprit peut, à volonté, selon qu’il est plus près de l’état théologique ou de l’état positif, voir ou une véritable émanation de la puissance surnaturelle, ou une simple domination abstraite du phénomène considéré. […] Ce double mouvement négatif avait pour organes essentiels et solidaires, d’une part, les universités, d’abord émanées mais bientôt rivales de la puissance sacerdotale ; d’une autre part, les diverses corporations de légistes, graduellement hostiles aux pouvoirs féodaux : seulement, à mesure que l’action critique se disséminait, ses agents, sans changer de nature, devenaient plus nombreux et plus subalternes ; en sorte que, au dix-huitième siècle, la principale activité révolutionnaire dut passer, dans l’ordre philosophique, des docteurs proprement dits aux simples littérateurs, et ensuite, dans l’ordre politique, des juges aux avocats. […] C’est seulement depuis cette indispensable séparation, sanctionnée et complétée par la division nécessaire des deux puissances, que la morale humaine a pu réellement commencer à prendre un caractère systématique, en établissant, à l’abri des impulsions passagères, des règles vraiment générales pour l’ensemble de notre existence, personnelle, domestique et sociale. […] Or, le peuple ne pouvait longtemps s’intéresser directement à de tels conflits, puisque la nature de notre civilisation empêche évidemment les prolétaires d’espérer, et même de désirer, aucune importante participation à la puissance politique proprement dite. […] Si le peuple est maintenant et doit rester désormais indifférent à la possession directe du pouvoir politique, il ne peut jamais renoncer à son indispensable participation continue au pouvoir moral, qui, seul vraiment accessible à tous, sans aucun danger pour l’ordre universel, et, au contraire, à son grand avantage journalier, autorise chacun, au nom d’une commune doctrine fondamentale, à rappeler convenablement les plus hautes puissances à leurs divers devoirs essentiels.

/ 1999