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530. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVI. La littérature et l’éducation publique. Les académies, les cénacles. » pp. 407-442

La littérature et l’éducation publique. […] Cela est si vrai que l’Académie finit toujours par céder, quand le public s’obstine à lui donner tort. […] C’est l’usage en littérature qu’on hérite de ceux qu’on assassine, et les derniers venus ont beau profiter des travaux et des efforts de leurs devanciers immédiats, ils commencent le plus souvent par les condamner comme surannés, par les tuer autant qu’ils peuvent dans l’estime publique. […] Mais le jour où il publia la première partie de cette œuvre impatiemment attendue, cette gloire s’éclipsa comme par enchantement et le public eut la cruauté de ne jamais réclamer la seconde moitié du manuscrit. […] En revanche, les cénacles dégénèrent volontiers en petites chapelles, où, loin des regards du public, fleurissent dans une atmosphère surchauffée et quasi-artificielle les bizarreries et les excentricités.

531. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le buste de l’abbé Prévost. » pp. 122-139

Laisné qu’est venue la première idée de remplir ce devoir public envers son grand-oncle, et de lui faire décerner cet honneur31. […] Ainsi donc, il dut beaucoup dès le principe à sa famille et à sa race du bon pays d’Artois, comme il l’appelait ; même lorsqu’il affligeait ses proches par ses écarts et qu’il les étonnait par ses aventures, il continuait de leur être fidèle par bien des traits et de leur appartenir d’une manière reconnaissable : et aujourd’hui, après un siècle presque écoulé, lorsque la renommée a fait le choix dans ses œuvres, lorsque l’oubli a pris ce qu’il a dû prendre et que, seule, la partie immortelle et vraiment humaine survit, — aujourd’hui, en leur apportant plus que jamais ce renom de grâce, de facilité, de naturel, de pathétique naïf, qui est son lot et qui le distingue, il trouve encore à leur emprunter de cette estime solide, de cette autorité bien acquise et de cette considération publique universelle qui s’ajoute si bien à la gloire. […] J’y joignais un commerce de lettres avec un ami qui ferait son séjour à Paris, et qui m’informerait des nouvelles publiques, moins pour satisfaire ma curiosité que pour me faire un divertissement des folles agitations des hommes… ! […] Mais, si huit mois d’éloignement et de silence peuvent vous paraître une satisfaction suffisante, je me flatte, monseigneur, que votre bonté achèvera de se laisser toucher en considérant que mon caractère est tout à fait exempt de malignité, que, dans plus de quarante volumes que j’ai donnés au public, il ne m’est rien échappé qui soit capable d’offenser, et que l’accident même qui fait mon crime n’a été qu’un aveugle sentiment de charité et de compassion pour un malheureux camarade d’école que j’ai voulu secourir dans sa misère après l’avoir aidé longtemps de ma propre bourse… M. le curé de Saint-Sulpice et Mlles de Raffé du Palais-Bourbon, qui l’ont assisté aussi à ma recommandation, ne me refuseront pas ce témoignage. […] S’il y manquait encore quelque chose, au moins du côté du public, je suis prêt à me retirer pour quelque temps dans une communauté de Paris, ou dans ma famille qui demeure au pays d’Artois, et je m’y occuperai à composer quelque livre utile qui puisse être regardé comme un surcroît de satisfaction.

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