Un des hommes les plus spirituels de l’émigration, le chevalier de Panat, écrivait avec autant de grâce que de sens à l’auteur, après avoir entendu à Londres la lecture de plusieurs morceaux de son grand ouvrage : « Si les vérités de sentiment sont les premières dans l’ordre de la nature, personne n’aura prouvé mieux que vous celles de notre religion ; vous me retracez ces philosophes anciens qui donnaient leurs leçons la tête couronnée de fleurs et les mains remplies de doux parfums. » Le plan seul de l’ouvrage de M. de Chateaubriand en indique la portée. […] Une société formée d’éléments permanents, surtout s’ils ne sont pas exclusifs, est mieux organisée pour la durée, et l’histoire l’a prouvé souvent, elle est plus fortement constituée pour la lutte. […] Fontanes lui-même, qui eût été capable, comme ses écrits posthumes l’ont prouvé, de publier de beaux ouvrages, si ses fonctions publiques s’étaient conciliées avec le rôle d’auteur, s’est plaint de la stérilité des Muses de l’empire24. […] Tout à coup, après la conférence du 11 janvier, consacrée à prouver la Providence par l’ordre qui règne dans la nature, M. […] Nous ne croyons que ce qui se prouve, nous ne sentons que ce qui se touche ; la poésie est morte avec le spiritualisme dont elle était née.
La vanité inhérente à la profession de rimeur suffit à prouver qu’ils n’ont pas été leurs propres parrains. […] Devant un auditoire choisi, composé de colonels en retraite, traducteurs d’Horace, de diplomates ensevelis dans d’opulentes redingotes pareilles à des linceuls, de professeurs tournant le petit vers, de philosophes éclectiques, intimement liés avec Dieu, et de bas-bleus quinquagénaires rêvant tout bas, soit l’œillet de Clémence Isaure, soit l’opprobre d’un prix de vertu, un jeune homme pâle, amaigri et se boutonnant avec désespoir comme s’il eût collectionné dans sa poitrine tous les renards de Lacédémone, s’avançait hagard, s’adossait à la cheminée, et commençait d’une voix caverneuse la lecture d’un long poème où il était prouvé que le Ciel est une patrie et la terre un lieu d’exil, le tout en vers de douze ou quinze pieds ; ou bien encore, quelque vieillard chargé de crimes, usurier peut-être à ses heures, en tout cas ayant pignon sur rue, femme et maîtresse en ville, chantait les joies de la mansarde, les vingt ans, la misère heureuse, l’amour pur, le bouquet de violettes, le travail, Babet, Lisette, Frétillon, et finalement, tutoyait « le bon Dieu » et lui tapait sur le ventre dans des couplets genre Béranger. […] Et j’aurais certes perdu le souvenir de mon influence passagère sur la destinée de mon ami si, tant de fois, il n’avait eu souci de la rappeler lui-même, et si je n’aimais cette gratitude exagérée à cause de la chère amitié qu’elle me prouve. […] Une seule erreur prouvée peut engendrer un soupçon général.