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1744. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — I. » pp. 325-345

Il m’a été permis, grâce à l’obligeante confiance de M. le baron Roederer, d’en prendre à l’avance une idée, et de pouvoir ainsi dessiner avec quelques traits nouveaux une figure historique dont le rang est marqué dans la littérature sérieuse et dans la politique honorable. […] Il prenait part à tous les sujets sérieux, traités ou proposés par l’Académie de Metz, dont il était un des membres dirigeants ; il pensait à concourir pour l’Éloge de Louis XII, proposé par l’Académie française, et se prenait dès lors pour ce roi, père du peuple, de cette prédilection presque paradoxale qui, dans ses heures de loisir, dominera désormais tous ses points de vue sur l’histoire et la société française des derniers siècles. […] Il n’assista pas aux premiers actes mémorables ni à la séance du Jeu de paume, où David d’ailleurs a bien fait de le placer : on sait d’avance en quel sens il aurait marché, et, dès son entrée, il prit rang dans l’Assemblée à côté des plus actifs et des plus utiles, et comme le premier lieutenant de Sieyès. […] Dans les mois qui précédèrent la chute des Girondins, Roederer avait reparu, et il faisait à l’Athénée un cours dans lequel il réfutait les écrivains qui attaquaient la propriété ; il s’appliquait à en démontrer le fondement d’après des notions positives et prises de moins haut qu’on ne l’a fait depuis. […] C’était aussi au moment que l’ennemi envahissait le territoire et menaçait d’apporter en France la vengeance implacable et l’extermination des hommes qui avaient pris les armes en 1789.

1745. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin »

Prenons notre revanche alternativement au profit des deux arts, sans les mélanger, sans les forcer et en observant une limite que d’autres plus hardis, plus aventureux, plus singulièrement doués, ne craignent pas de franchir, mais qu’il me paraît bon, à moi, de maintenir et de respecter. » — Distinguant donc entre les idées visuelles ou plastiques et les idées littéraires, il rend les premières sur ses toiles, réservant les secondes pour ses pages écrites, attentif à se servir en chaque chose de l’art le plus approprié. […] On quitte les mulets de montagne pour les chameaux ; la caravane décidément se forme et s’organise ; les cavaliers montent à cheval au nombre de trente environ et prennent la tête du convoi. […] Je suis loin de les blâmer d’avoir pris un parti de convention, mais je ne vais pas non plus jusqu’à les en admirer davantage ; je ne leur fais pas, d’une inadvertance ou d’une imperfection, un titre ni un mérite. […] On sent vibrer dans l’air de faibles bruits qu’on prendrait pour la respiration de la terre haletante. […] On conçoit que les Sahariens adorent leur pays ; que comme le Norvégien est attaché à son sol natal, à ses lacs plaintifs et à ses grandes forêts de sapins, les habitants d’une ville perdue dans une maigre oasis aux confins du désert soient fixés au sol et se sentent pris d’un grave et poignant amour pour « ce tableau ardent et inanimé, composé de soleil, d’étendue et de solitude ».

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