Chez l’auteur de Colombes et Couleuvres, cette poésie humaine et vraie, qui prend sa source dans les sentiments éternels et que chaque poète exprime avec une voix différente, a une fraîcheur d’accent que rien n’a flétrie, et à laquelle se joint une morbidesse qui relève encore le charme de cette étrange fraîcheur… Autrefois, sous cette Monarchie qui mettait de la force dans les institutions et de la poésie dans les mœurs, le deuil de la cour était noir et rose. […] Non, elle ne doit plus en descendre… Quand la Pensée a pris de certains vols, elle ne peut plus revenir sur elle-même sans avoir l’air de tomber. […] Auguste Barbier, lesquels firent palpiter, dans le temps, tous les grossiers instincts de nos âmes que nous prenions pour de la force ? […] Roger de Beauvoir, ce qui nous a toujours empêché de le confondre, malgré ses erreurs d’homme et de poète, avec les Gentils de notre temps, avec les Idolâtres de la Forme qui n’ont d’autre dieu que le fétiche qu’ils ont eux-mêmes sculpté, c’est le parfum des croyances premières et flétries, mais qu’on retrouve toujours à certaines places de ses écrits ; c’est ce christianisme ressouvenu qu’il tient peut-être de sa mère et qui revient de temps en temps et comme malgré lui, dans sa voix : D’où vient, qu’après avoir dormi sous les platanes, Après avoir sur l’herbe épanché les flacons, Puis être revenus, Ô brunes courtisanes, En rapportant chez nous les fleurs de vos balcons, La tristesse nous prend comme fait la duègne Qui de la jeune Inès s’en vient prendre la main, Et que nous n’arrivons jamais au lendemain Sans qu’aux pensers d’hier tout notre cœur ne saigne ?
Ces Tragiques n’avaient même été révélés au public auparavant que par des vers pris çà et là dans ces vigoureuses satires, et l’effet n’en remonte guères plus haut qu’à ce fameux portrait de Henri III, maintenant cité partout, et que M. […] … Il y a, je ne sais où, un adorable conte d’une bergère qui a trouvé un os de femme qu’elle prend pour un ivoire et qu’elle dole avec son couteau pour voir ce que c’est, quand, tout à coup, voilà que l’os se met à chanter mélodieusement qu’il est celui d’une pauvre femme assassinée. […] Henri IV, que, dans son histoire, il diminue pour rester vrai, l’aimait au point de vouloir le faire servir à ses vices et employer à ses amours, sachant que les femmes qui résistaient au roi ne résisteraient pas au poète, et qu’il les lui prendrait comme les forteresses… Mais il était trop fier faucon pour de telles chasses, et il resta ce que le pur et délicieux Joinville lui-même serait resté, si, par impossible, Saint Louis eût été Henri IV ! […] À ne le prendre que comme poète, Agrippa d’Aubigné aurait gagné à être un catholique. […] En ce troisième volume, c’est tout Agrippa d’Aubigné ressuscité et mis debout de pied en cap, c’est l’Agrippa dont la Critique peut prendre exactement la mesure, l’Agrippa hors de ces ombres propices qui allongent les hommes et les statues en des contours tremblants et incertains, et replacé dans la lumière, la stricte lumière qui les raccourcit mais qui les dessine, qui les étreint, comme un collant, de sa clarté.