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844. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre II. Les directions divergentes de l’évolution de la vie. Torpeur, intelligence, instinct. »

Il fallut, sans doute, des siècles d’effort et des prodiges de subtilité pour que la vie tournât ce nouvel obstacle. […] Si, par elle, la nature renonce à doter l’être vivant de l’instrument qui lui servira, c’est pour que l’être vivant puisse, selon les circonstances, varier sa fabrication. […] Or, cette mobilité des mots, faite pour qu’ils aillent d’une chose à une autre, leur a permis de s’étendre des choses aux idées. […] Il faut, pour que nous puissions modifier un objet, que nous l’apercevions divisible et discontinu. […] Encore faudra-t-il, pour que la vie de l’instinct évolue, que des complications viables se produisent.

845. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Souvenirs militaires et intimes du général vicomte de Pelleport, publiés par son fils. » pp. 324-345

La conversation roulait sur les événements politiques ; s’interrompant au milieu d’une de ces périodes à effet comme il savait les faire, le général lui dit : « Rappelez-vous, Pelleport, et vous êtes trop jeune pour que vous ne puissiez un jour ou l’autre mettre à profit mon avertissement, rappelez-vous qu’en révolution il ne faut jamais se mettre du côté des honnêtes gens : ils sont toujours balayés. » — « Après ce court dialogue, ajoute Pelleport, la conversation reprit son cours ordinaire, et je me promis bien de désobéir à mon général. » De retour en France, Pelleport continue sa marche d’un pas égal. […] Et nous tous qui aimons, qui aimions avant tout en notre jeunesse à être papillons ou abeilles, demandons-nous quelquefois combien il faut de ces hommes-là dans une société pour que d’autres puissent sans inconvénient se livrer à toutes leurs fantaisies, à leurs rêveries aimables (je ne parle que de celles-là) et à leurs poétiques caprices.

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