XI Dans ce jardin de délices, sous le ciel le plus tiède de l’univers, au sein du loisir et de l’amour, à l’âge où le cœur s’apaise et où l’esprit se possède, époux d’une des femmes les plus belles et les plus lettrées de l’Italie, écrivant, pour le plaisir plus que pour la gloire, le poème chevaleresque d’Amadis, déjà père d’une fille au berceau, dont les traits rappelaient la beauté de sa mère, possesseur d’une fortune plus que suffisante à ce séjour champêtre, Bernardo jouissait de tout ce qui fait le rêve des hommes modérés dans leurs désirs. […] Nous possédons une lettre de Bernardo Tasso qui semble confirmer ces soupçons. […] Tel est le portrait minutieux qu’un contemporain et un ami trace du Tasse ; ce portrait est parfaitement conforme à celui que nous possédons nous-même, copié sur le portrait original, peint sur le Tasse vivant à Florence, et qui nous a été prêté par notre illustre ami, le marquis Gino Caponi, homme digne de vivre dans sa galerie en société avec ces grands hommes de sa patrie. […] Un second départ du cardinal d’Este pour la France, où il possédait d’immenses terres de l’Église appelées bénéfices, interrompit encore cette félicité.
Il est clair que Renan, par exemple, qui d’ailleurs connaissait peu la littérature française contemporaine, demeurait possédé par la science et le génie allemands et mettait un Goethe, ou même un Herder, au-dessus de ce qu’il y a de mieux chez nous. […] Ai-je besoin de faire remarquer que Victor Hugo et les romantiques n’avaient point attendu Dostoïewsky ni Tolstoï pour nous montrer des prostituées qui sont des saintes, ou des mendiants et des misérables qui possèdent le secret de la sagesse et de la charité parfaite ? […] Celui-là seul pourrait décerner le prix de la forme, qui posséderait toutes les langues de l’Europe aussi à fond que nous possédons la nôtre, c’est-à-dire de manière à percevoir, dans ses moindres nuances, ce qui constitue le « style » de chaque écrivain.