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391. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1884 » pp. 286-347

Un de mes amis disait d’une célèbre femme du monde, qui ne porte ni chemise ni jupon, et semble emmaillotée dans des bandes, disait : qu’elle était habillée avec des bas à varices. […] me répondit il, on ne trouverait pas à Paris un huissier, qui consentirait à le mettre en faillite ; savez-vous qu’il rapporte à la corporation de 40 à 50 000 francs par an… Il paye, mais il ne paye que saisi… ne commence à verser un acompte, que lorsque le colleur pose une affiche jaune à sa porte. […] Une affiche manuscrite collée à la porte, dit que c’est la vente d’un M.  […] Samedi 10 mai Dialogue d’hier à la porte de chez moi. […] Je fais ouvrir par le sacristain la porte d’une balustrade, et aussitôt qu’elle a jeté son eau bénite, elle peut sortir et gagner, avec Mme Claretie, sa voiture de deuil, où elle fait monter Jacques près d’elle.

392. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Edgar Poe »

Pour ressentir ce que nous ne pouvons qu’indiquer, il faut donc ouvrir le livre de l’auteur, il faut se mettre en rapport direct et intime avec sa propre pensée ; il faut ici, par exemple, le suivre lui-même dans cette expédition faite sur la foi d’un homme peut-être en démence, qui porte, comme un talisman, ce scarabée d’or, de la morsure duquel il semble mourir ! […] Mais dans ces détails même il porte encore l’empreinte de là société matérielle dont il est sorti ; il a sur les lèvres le lait épais de cette brutale nourrice qui a fini par l’étouffer. […] On dirait un géant courbé sous une voûte que sa formidable nuque porte, secoue et ne peut rejeter. […] La curiosité de l’incertain qui veut savoir et qui rôde toujours sur la limite de deux mondes, le naturel et le surnaturel, s’éloignant de l’un pour frapper incessamment à la porte de l’autre, qu’elle n’ouvrira jamais, car elle n’en a pas la clef, — et la peur, terreur blême de ce surnaturel qui l’attire et qui l’effraye autant qu’il l’attire ; car depuis Pascal peut-être il n’y eut jamais de génie plus épouvanté, plus livré aux affres de l’effroi et à ses mortelles agonies, que le génie panique d’Edgar Poe ! […] Edgar Poe répond donc seul à l’Histoire de sa destinée, et le poids qu’il porte devant elle ne peut être allégé par rien.

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