Sérieux, et, si l’on veut, un peu tristes, inquiets et sur nous et sur d’autres que nous aussi, citoyens avant tout, nous voulons que, même dans nos chants de plaisir, une part soit faite à ces nobles soucis ; nous voulons qu’en nous parlant d’amour, on nous parle de tout ce que nous aimons ; telles nos affections se tiennent et se confondent en nous, telles nous en demandons au poète la pleine et vive image. Le poète érotique pour nous, c’est celui qui transporte la patrie, la liberté, l’humanité, dans l’amour, qui consacre les tourments et les désirs de la volupté par des douleurs et des espérances bien autrement viriles ; c’est celui qui nous enivre de notre gloire en même temps que de la beauté, qui, dans le délire des sens, a une pensée encore pour les malheurs du monde : nommons-le, le poète érotique pour nous, c’est Béranger, plaçant le message d’Athènes jusque sous l’aile de la colombe amoureuse. […] La traduction des Baisers de Jean Second est précédée d’une notice étendue sur ce poète ; il mérite bien de nous arrêter un peu. […] Jean Second était né poète ; il fit des vers dès l’enfance, et les fit en latin. […] Décidément, doué d’une âme d’artiste, et pressé de la produire, tour à tour peintre, sculpteur, graveur, c’est-à-dire toujours poète, il semblait essayer tous les langages imparfaits de la poésie, comme s’il n’en trouvait aucun d’assez expressif et qui lui allât à son gré.
Quatrièmement, elles leur donnaient la facilité d’exposer les idées philosophiques les plus sublimes en se servant des expressions des poètes, héritage heureux qu’ils avaient recueilli. […] Nous verrons d’un bout à l’autre de ce livre que tout ce que les poètes avaient d’abord senti relativement à la sagesse vulgaire, les philosophes le comprirent ensuite relativement à une sagesse plus élevée (riposta) ; de sorte qu’on appellerait avec raison les premiers le sens, les seconds l’intelligence du genre humain. […] Nous verrons dans la suite que dans ce genre de sagesse, les sages furent les poètes théologiens, qui, à n’en pas douter, fondèrent la civilisation grecque. […] D’après cela, nous distinguerons à plus juste titre que Varron, trois espèces de théologie : théologie poétique, propre aux poètes théologiens, et qui fut la théologie civile de toutes les nations païennes ; théologie naturelle, celle des métaphysiciens ; la troisième, qui dans la classification de Varron est la théologie poétique42, est pour nous la théologie chrétienne, mêlée de la théologie civile, de la naturelle, et de la révélée, la plus sublime des trois. […] Exposition et division de la sagesse poétique Puisque la métaphysique est la science sublime qui répartit aux sciences subalternes les sujets dont elles doivent traiter, puisque la sagesse des anciens ne fut autre que celle des poètes théologiens, puisque les origines de toutes choses sont naturellement grossières, nous devons chercher le commencement de la sagesse poétique dans une métaphysique informe.