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664. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre IV. La fin de l’âge classique — Chapitre II. La Bruyère et Fénelon »

La Bruyère la voit fondée sur la naissance, idolâtre de l’argent, dont il annonce le règne ; les femmes coquettes, menteuses, perfides, êtres d’instinct, meilleures ou pires que les hommes, dominant dans les salons, et y imposant l’esprit l’utile et banal, attirant autour d’elles l’essaim des fats et des ridicules ; les financiers, partis de bas, durs, sans scrupules comme sans pitié, méprisables absolument ; la ville, rentiers, marchands, magistrats, commençant à échanger les fortes vertus bourgeoises pour les airs et les vices de la cour ; la cour, abjection et superbe, férocité et politesse, où le mobile unique est l’intérêt ; les grands, extrait de la cour dont ils manifestent le vice dans sa plus pure et naturelle malice, sans âme, sans esprit, tout à l’orgueil et au plaisir, bien pires que le peuple ; le souverain — mais ici La Bruyère ne voit plus. […] A chaque instant les expressions générales et simplement intelligibles se résolvent sous la plume de La Bruyère en petits faits sensibles454: ainsi, voulant indiquer le plaisir de faire du bien, il ne trouve pas de plus forte expression qu’une impression physique, le choc de deux regards qui se rencontrent et parlent : « Il y a du plaisir à rencontrer les yeux de celui à qui on vient de donner ». […] Fénelon envoya sa consultation dans un court mémoire, qui fit tant de plaisir, qu’on lui demanda de le publier.

665. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’expression de l’amour chez les poètes symbolistes » pp. 57-90

Il a peur d’être obligé de se dire : « Je m’emballais, j’ai rencontré un caillou. » Il se sent attiré vers sa beauté, mais une amertume secrète gâte tous ses plaisirs présents. […] Il lui échappe de dire : « Elle était charmante, mais je n’étais pas d’humeur à y éprouver du plaisir », et il conclut : « Tout cela est trop compliqué. […] C’est une étrange chose que la nature ait mélangé, comme dit Montaigne, nos ordures et nos plaisirs, et qu’un homme délicat ne puisse s’y exposer sans nausées. […] Ce n’est pas la foi qui le pousse à étouffer ses désirs et à se mutiler, c’est, au contraire, l’écœurement du plaisir et le besoin de se « purifier dans l’air supérieur » qui le fera tout à l’heure retrouver les vestiges de la foi perdue et s’y cramponner avec l’énergie du désespoir : Je suis le plus méchant des mauvais serviteurs Ô Jésus, qui prêchais la sagesse aux docteurs !

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