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576. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le cardinal de Bernis. (Fin.) » pp. 44-66

 » Je les ai quittées pour les affaires, sans les avoir oubliées, et je les retrouve avec plaisir. […] Une main invisible m’a conduit des montagnes du Vivarais au faîte des honneurs ; laissons-la faire, elle saura me conduire à un état honorable et tranquille ; et puis, pour mes menus plaisirs, je dois, selon l’ordre de la nature, être l’électeur de trois ou quatre papes, et revoir souvent cette partie du monde qui a été le berceau de tous les arts. […] Vous me fîtes alors un plaisir infini… » Bernis n’est point fier du tout de ce rôle que Voltaire lui attribue : Nous parlerons quelque jour du grelot que vous dites que j’ai attaché… J’ai connu un architecte à qui on a dit : Vous ferez le plan de cette maison ; mais bien entendu que, l’ouvrage commencé, les piqueurs ni les maçons, ni les manœuvres, ne seront point sous votre direction, et s’écarteront de votre plan autant qu’il leur conviendra de le faire. […] Un jour Voltaire lui envoie le Jules César de Shakespeare et l’Héraclius de Calderon, à titre de farces ou de folies, pour le divertir et le mettre en belle humeur ; et Bernis répond par une lettre pleine de grâce et de sens : Notre secrétaire (celui de l’Académie) m’a envoyé l’Héraclius de Calderon, mon cher confrère, et je viens de lire le Jules César de Shakespeare : ces deux pièces m’ont fait grand plaisir comme servant à l’histoire de l’esprit humain et du goût particulier des nations.

577. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Œuvres de Louise Labé, la Belle Cordière. »

Voici ce portrait, cette sortie contre les gens non initiés au bel art d’aimer, misanthropes ou loups-garous, d’une vie sordide, égoïste et farouche ; cela sent son Rabelais, et, à l’avance, son Regnier : « Et qui est celui des hommes, s’écrie-t-il, qui ne prenne plaisir ou d’aimer ou d’être aimé ? […] Si tous les hommes étaient de cette sorte, y aurait-il pas peu de plaisir de vivre avec eux ?  […] quelqu’un de ses favoris à lui-même et des courtisans de Louise, quelque Olivier de Magny peut-être : « Celui qui ne tâche à complaire à personne, quelque perfection qu’il ait, n’en a non plus de plaisir que celui qui porte une fleur dedans sa manche ; mais celui qui désire plaire, incessamment pense à son fait, mire et remire la chose aimée, suit les vertus qu’il voit lui être agréables, et s’adonne aux complexions contraires à soi-même, comme celui qui porte le bouquet en main, donne certain jugement de quelle fleur vient l’odeur et senteur qui plus lui est agréable. » En un mot, qui aime, s’applique et s’évertue. […] Tout à un coup je ris et je larmoie, Et en plaisir maint grief tourment j’endure : Mon bien s’en va et à jamais il dure : Tout en un coup je sèche et je verdoie.

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