Elle est devenue un des principaux attraits et parfois l’âme même de ces petits cercles où hommes et femmes cherchent avant tout leur plaisir. […] Il dut prouver que sans lui l’autorité des rois de France allait péricliter, puisque tous leurs édits se terminaient ainsi : « car tel est notre bon plaisir ». […] Les salons ne sont plus seulement une école du bien-dire ; ils sont aussi pour les écrivains un milieu excitant, où ils pensent pour le plaisir de penser, où ils sont entraînés par le mouvement de la causerie à tirer de leur cerveau les trésors qu’il contient à l’état latent et à faire en eux-mêmes des découvertes. […] Lubin, le paysan, est tout émerveillé de son abondance en doux propos, et il s’écrie103 : « C’est un plaisir que de l’entendre débiter sa petite marchandise ; il ne dit pas un mot qu’il n’adore. » Il arrive à Dorante d’être mécontent, maltraité, joué par une coquette104. […] Elle a pu être accusée d’inventer à plaisir ces personnages implacablement guindés qui ne se détendent jamais en un sourire.
Je me souviens aussi du parfum qu’exhalait un beau coing rôti sous la cendre, et du plaisir qu’avait notre grand-mère à le partager entre nous. […] Ces dissipations, celles qu’il trouvait à Passy où il était allé loger chez son ami et Mécène M. de La Popelinière, cette vie de soupers et de plaisirs, arrêtèrent les premiers succès de Marmontel et nuisirent à son essor tragique, en supposant qu’il eût été de force à se pousser dans cette voie. […] L’homme qui fait des souliers est sûr de son salaire ; l’homme qui fait un livre ou une tragédie n’est jamais sûr de rien. » Marmontel devint donc, en 1753, secrétaire des Bâtiments sous M. de Marigny, frère de Mme de Pompadour ; dès lors il habita Versailles, et durant cinq années il vécut pêle-mêle et tour à tour avec des artistes, avec des intendants des Menus-Plaisirs, travaillant à sa guise, étudiant à ses heures, et voyant toutes sortes de sociétés qu’il nous peint fidèlement, la société des premiers commis comme celle des philosophes, le financier Bouret comme d’Alembert : Oui, j’en conviens, dit-il, tout m’était bon, le plaisir, l’étude, la table, la philosophie ; j’avais du goût pour la sagesse avec les sages, mais je me livrais volontiers à la folie avec les fous. […] Sa morale, il nous l’avoue, se ressentit à l’instant de sa position nouvelle, de ses intérêts nouveaux ; sans devenir rigide, elle cessa aussitôt d’être relâchée : L’opinion, dit-il, l’exemple, les séductions de la vanité, et surtout l’attrait du plaisir, altèrent dans de jeunes âmes la rectitude du sens intime. […] Une instruction variée, des observations de détail ingénieuses, des nuances bien démêlées dans la pensée, une synonymie fine dans la diction, en font un livre qu’on parcourt toujours avec plaisir, et que la jeunesse non orgueilleuse peut lire avec fruit.