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1169. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre deuxième »

., de toutes sortes de souvenirs d’érudition ; mais, si je ne me fais illusion, quand on s’est amusé jusqu’à la satiété des charmants récits de Froissart, ce n’est pas sans plaisir qu’on sent pour la première fois, dans cette vie de Charles V, l’âme de l’histoire. […] Le plaisir de translater et de voir naître sous sa plume de beaux mots, qui fussent les égaux des mots latins, détourne trop souvent l’écrivain de son plan, et étouffe le fond sous les incidents. […] En voici le début « A l’heure que j’ay ceste matiere encommencée, j’aproche quarante cinq ans, et ressemble le cerf ou le noble chevreul lequel ayant tout le jour brouté et pasturé diverses fueilles herbes, et herbettes, les unes cueillies et prises sur les hauts arbres, entre les fleurs et près des fruits, et les autres tirées et cueillies bas, à la terre, parmi les orties et les ronses aguës, ainsi que l’appetit le desiroitet l’adventure le donnoit après qu’iceluy se trouve refectionné, se couche sur l’herbe fresche, et là ronge et rumine, à goust et à saveur, toute sa cueillette et ainsi, sur ce my-chemin ou plus avant de mon aage, je me repose et rassouage sous l’arbre de congnoissance, et ronge et assaveure la pasture de mon temps passé, où je trouve le goust si divers et la viande si amère, que je pren plus de plaisir à parachever le chemin non cognu, par moy, sous l’espoir et fiance de Dieu tout puissant que je ne feroye et fust il possible de retourner le premier chemin et la voye dont j’ay desja achevé le voyage. Et toutesfois entre mes amers gousts, je treuve un assouagement et une sustance à merveilles grande en une herbe appelée memoire, qui est celle seule qui me fait oublier peines, travaux, miseres et afflictions, et prendre plume, et empleyer ancre, papier et temps, tant pour moy desennuyer comme pour accomplir et achever (si Dieu plaist) mon emprise, espérant que les lisans et oyans suppléeront mes fautes, agréeront mon bon vouloir, et prendront plaisir et délectation d’ouyr et sçavoir plusieurs belles, nobles et solennelles choses advenues de mon temps, et dont je parle, par veoir, non pas par ouyr dire. » Olivier de la Marche écrivait ces touchantes et nobles paroles en 1491.

1170. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 mars 1886. »

voilà de braves garçons qui, sous couleur de patriotisme, veulent absolument nous sevrer de ce plaisir. […] Mais moi, bonhomme, qui vais au théâtre pour mon plaisir et qui le prends où je le trouve, je suis la nation tout entière. […] Je tiens à entendre une belle œuvre, parce qu’elle m’est agréable à entendre et que je ne vois pas pourquoi l’on viendrait me déranger dans mon plaisir. […] Si le public français veut l’entendre, il n’y a plus aucune raison pour lui refuser ce plaisir ; mais s’il n’en veut pas, de quel droit viendrait-on le lui imposer ?

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