En mots vivants, précis, diaphanes, exacts et lumineux, en phrases limpides comme le cristal, d’une voix un peu sourde… sans fatigue ni trêve, il déroulait, trésor infini, ses nobles paradoxes. […] Et, pour la première fois, près de lui, on sentait, on touchait la réalité de la pensée ; ce que nous cherchions, ce que nous voulions, ce que nous adorions dans la vie existait ; un homme, ici, avait tout sacrifié à cela. » Avez-vous remarqué dans cette citation de Gide la phrase : « On trouvait là d’abord un grand silence ?
Bans le siècle de la prose même, dans le siècle le plus didactique qui fut jamais, des prosateurs comme Montesquieu et Rousseau touchèrent à la poésie, — maladroitement, il est vrai, mais ils y touchèrent… Ils touchèrent à cette reine, bienfaisante et non pas dangereuse, qui ne fait pas mourir, comme la reine de l’ancienne étiquette espagnole, ceux qui l’ont touchée ; et à tous les deux, Montesquieu et Rousseau, il est resté quelque chose de ce contact éphémère : à l’un, dans le brillant diamanté de sa phrase, travaillée comme un vers, à l’autre, dans la passion malade de son accent et son harmonieuse mélancolie. […] Malheureusement, Vigny oublia cela et se contenta de polir des phrases.