Dans aucun de ses livres, M. de Balzac n’a peut-être mis autant d’afféterie, ni poussé aussi loin le goût des phrases entortillées ? […] Rien de plus vrai que ces phrases coupées brusquement, que ces pensées qui se heurtent et qu’un abîme pourtant sépare. […] Janin a décoré sa phrase d’une docte citation. […] souvent, il se contente pour preuve à l’appui d’un seul membre de phrase ! […] Il traduit, par exemple, une phrase, un vers, un distique, et vous avertit qu’il force la nuance ; mais qu’est-ce que forcer la nuance, sinon écrire ce qui n’est pas ?
On y lit, à propos des poëmes d’Homère, cette phrase qui annonce un littérateur au courant des divers systèmes : « Mme de Staël admet, sans aucun doute et sans discussion, que ces poëmes sont l’ouvrage du même homme et sont antérieurs à tout autre poëme grec. […] Il paraît que, dans la première édition, Mme de Staël avait écrit cette phrase, depuis modifiée : « Anacréon est de plusieurs siècles en arrière de la philosophie que comporte son genre. » — Ah ! […] Ces phrases, connues depuis si longtemps, sont comme les habitués de la maison ; on les laisse passer sans leur rien demander. […] Dans la Bibliothèque universelle et historique de Le Clerc, année 1687, à propos des Remarques de Vaugelas, on trouve (car ces querelles du jour sont de tous les temps) une protestation savante et judicieuse d’un anonyme contre les règlements rigoureux imposés à la phrase, contre ces restrictions de la métaphore auxquelles on avait prêté force de loi. […] J’ai plaisir en ce moment, je l’avoue, à pouvoir répondre, avec des phrases qui ne sont pas de moi, à ce qui me semble peu ouvert et peu étendu dans les théories littéraires formelles, acceptées par plusieurs de nos hardis politiques, et remaniées par quelques jeunes critiques déjà opiniâtres.