Introduction Je ne cacherai pas au lecteur que c’est la publication des Misérables, de M. Victor Hugo, qui m’a déterminé à écrire ce livre, dont le plan, en s’élargissant, a fini par comprendre le roman contemporain dans ses nombreuses variétés. Quand MM. Sue, Balzac, Alexandre Dumas, Soulié, madame Sand introduisirent au bas des journaux, avec un talent qu’il est impossible de méconnaître, des romans où la morale et les principes sociaux étaient si vivement attaqués, je protestai par un livre, les Études critiques sur le feuilleton-roman. Dans ce livre, publié en 1846, je dénonçai les conséquences morales et sociales qui devaient bientôt suivre, et, éclairé par l’étude comparée de la situation politique et de la littérature, je prévins la société, qui se laissait enivrer de ces dangereuses fictions, qu’elle tournait le dos à la liberté politique, et qu’elle allait à l’anarchie et à la dictature.
Fata canit, foliisque notas et nomina mandat ; ………… Illa manent immota locis……… Virgil., Æn., lib. iii. Avertissement sur cette seconde édition Les feuilletons de Geoffroy avaient obtenu un succès si prodigieux, et avaient même exercé une telle influence sur la littérature, qu’il eût été dommage de les laisser tomber dans l’oubli : c’eût été une véritable perte ; car ils contiennent ce qu’il y a de mieux pensé sur notre théâtre, et présentent en même temps un livre aussi agréable qu’instructif. Quelques personnes, qui, dans le temps, les avaient lus avec la légèreté que l’on met à parcourir un journal, ont pu croire qu’ils n’avaient que cet intérêt du moment que l’on trouve ordinairement dans les feuilles périodiques ; elles se sont trompées : Geoffroy, devenu journaliste, écrivait chaque jour et semblait écrire à la hâte ; mais ses études étaient faites d’avance, et il disait avec facilité, et dans l’instant commandé, ce qu’il savait depuis longtemps et ce qui avait fait l’objet principal de ses méditations littéraires.