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1071. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre III. La nouvelle langue. » pp. 165-234

Pour la première fois, chez Chaucer, comme chez Van Eyck, le personnage prend un relief, ses membres se tiennent, il n’est plus un fantôme sans substance, on devine son passé, on voit venir son action ; ses dehors manifestent les particularités personnelles et incommunicables de sa nature intime et la complexité infinie de son économie et de son mouvement ; encore aujourd’hui, après quatre siècles, il est un individu et un type ; il reste debout dans la mémoire humaine comme les créatures de Shakspeare et de Rubens. […] Ici, pour la première fois, paraît la supériorité de l’esprit, qui, au moment de la conception, tout d’un coup s’arrête, s’élève au-dessus de lui-même, se juge et se dit : « Cette phrase dit la même chose que la précédente, ôtons-la ; ces deux idées ne se suivent pas, lions-les ; cette description languit, repensons-la. » Quand on peut se parler ainsi, on a l’idée non pas scolastique et apprise, mais personnelle et pratique, de l’esprit humain, de ses démarches et de ses besoins, comme aussi des choses, de leur structure et de leurs attaches ; on a un style, entendez par là qu’on est capable de faire entendre et voir toute chose à tout esprit humain. […] Sous cette contrainte on cesse de penser ; car qui dit pensée dit effort inventif, création personnelle, œuvre agissante.

1072. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre septième. Les altérations et transformations de la conscience et de la volonté — Chapitre deuxième. Troubles et désagrégations de la conscience. L’hypnotisme et les idées-forces »

L’oubli des phénomènes hypnotiques pendant la veille, qui est un des effets les plus remarquables de l’hypnose, est dû à ce que : 1° les associations formées durant l’hypnose entre les idées sont recouvertes par un système cohérent composé d’innombrables contre-associations et ayant pour soutien, dit Lehmann, la multitude d’impressions venues du monde extérieur ; 2° les idées appartenant à l’hypnose sont associées avec un état de la sensibilité organique profondément différent de celui qui, à l’état normal, forme la base de la conscience personnelle. […] Supposez maintenant que mon esprit, au lieu d’être plein, soit relativement vide, que l’oubli porte sur mes idées ou motifs personnels, que toute mon attention disponible soit au contraire concentrée sur l’idée fixe et impulsive que la suggestion a introduite artificiellement en moi, le seul mot de canif, prononcé par l’hypnotiseur, éveillera l’image du canif et de son emploi, avec les autres idées associées et avec les mouvements associés aux idées. […] Les sensations et les mouvements persistent en grande partie ; même dans l’écorce cérébrale, les fonctions corrélatives à la conscience ne sont point entièrement supprimées ; mais ce qui est en quelque sorte paralysé, c’est l’idée de résistance et de choix, et, avec cette idée, la possibilité du vouloir personnel.

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