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672. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre III : Le problème religieux »

Non, mais je pense qu’elles saisissent un seul et même objet, l’infini, de deux manières différentes : l’une par le sentiment, l’autre par le raisonnement. […] Un Dieu qui n’est qu’un objet de raisonnement et la conclusion d’un syllogisme, un Dieu qui n’est rien dans la vie, et auquel on ne pense que lorsqu’il s’agit de réfuter les athées, un tel Dieu est une pure abstraction, et je m’étonne quelquefois que l’on mette tant d’ardeur à combattre ceux qui se trompent sur ces questions lorsque dans la vie on fait une part si faible à ces croyances d’où il semble que tout doit dépendre. Si Dieu n’est qu’un objet de pure spéculation, on ne voit pas pourquoi chacun ne pourrait pas penser là-dessus ce qui lui conviendrait et pourquoi telle hypothèse ferait plus scandale que telle autre ?

673. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Louis XVI et sa cour »

Les hommes pris sur place pèsent plus, sur cette place, qu’on ne pense. […] Lui qui pense, comme les hommes vraiment politiques, que Louis XVI fut moins malheureux que coupable, contrairement à l’opinion commune qui le fait moins coupable que malheureux, lui qui pourrait, comme Vaublanc, resté immuablement royaliste, et Mirabeau, qui le redevint, avoir de ces traits perçants et terribles qui sont moins les vengeances que les justices de l’histoire, sait noblement s’en abstenir. […] C’était de l’habitude sans doute ; mais, quand on réfléchit aux mille délicatesses dont se compose la moralité humaine, que penser de l’homme qui s’est fait un besoin d’abattre tous les jours un troupeau qu’on pousse à ses pieds, de ce roi qui n’a jamais porté l’épée militaire et qui s’en va, les mains noircies par sa forge, faire de tels carnages dans ses forêts ? 

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