Avec quelle émotion commençant par le commencement, il entra dans le prétoire du tribunal de simple police d’un petit chef-lieu de quanton, je vous le laisse à penser. […] On dirait, ma parole, d’un Eden retrouvé, puéril, frais, chaste et néanmoins quelque peu sévère, ce qu’il fallait, je pense. […] Il y a là des vers naïfs : naïveté, ici, est fleur rare qu’il faut cueillir bien vite sans y penser trop, si vous m’en croyez. […] Je ne suis rien, moi, qu’un homme continuant l’œuvre qu’il pense avoir bien inaugurée et veut mener à fin au moins honorable — et honorée ! […] Devant le tribunal, ils furent formels et très affirmatifs sur le coup de revolver ainsi que vous le pensez bien.
Au fond, il pensait toujours comme lorsqu’il avait dit dans sa riante peinture des Fleurs : Pour être heureux, il ne faut qu’une amante, L’ombre des bois, les fleurs et le printemps. […] J’ai souvent pensé qu’un poëte élégiaque, qui, son amour une fois chanté, se tairait à jamais et obstinément, comme Gray, par exemple, agirait bien plus dans l’intérêt de sa gloire ; il se formerait autour de son œuvre je ne sais quoi de mystérieux, de conforme au genre et au sujet. […] J’ai quelquefois pensé que, si le Directoire avait pu se prolonger un peu honnêtement, il serait sorti de là une littérature plus originale, plus neuve que la plupart des soi-disant classiques du moment n’étaient à même de le soupçonner. […] On peut douter qu’il se fût jamais converti, même en voyant des preuves meilleures Il est au contraire très-aisé de soupçonner ce qu’il aurait pensé des tentatives et des élancements mystiques de la lyre nouvelle, et on croit d’ici l’entendre répéter et appliquer assez à propos à plus d’un poëte monarchique et religieux de 1824, à certains de nos beaux rêveurs langoureux et prophètes (s’il avait pu les voir), qui, en ce temps-là, mêlaient par trop le psaume à l’élégie et tranchaient du séraphin : Cher Saint-Esprit, vous avez de l’esprit, Mais cet esprit souvent touche à l’emphase : C’est un esprit qui court après la phrase, Qui veut trop dire, et presque rien ne dit. […] L’esprit qui pense et juge sainement, Qui parle peu, mais toujours clairement Et sans enflure, est l’esprit véritable.