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211. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (3e partie) » pp. 369-430

La fidélité du portrait n’est pas la complicité du peintre. Quand, dans le moyen âge de Rome papale, la belle et infortunée Cinci devint complice de la mort d’un tyran féodal, féroce et incestueux, qui était son père, et quand la juste inflexibilité du pape refusa la grâce d’une coupable, grâce que toute l’Italie demandait à cause de la fatalité, de l’innocence et de la beauté de la victime, un peintre illustre saisit son pinceau et retraça, pendant qu’elle marchait à l’échafaud, la figure angélique et la pâleur livide de la Cinci ; ce portrait rendit à la condamnée une vie immortelle. Qui jamais accusa le peintre du parricide de son modèle ? […] Quel peintre, même madame Lebrun, a porté plus de grâce et plus d’attendrissement sur cette figure ? […] Sous la sévérité peut-être exagérée de l’historien de sa mère, cette princesse se plut à reconnaître le cœur toujours ému et toujours respectueux du peintre des malheurs de sa maison royale, le Van Dyck de ces autres Stuarts.

212. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre quatrième »

Les paroles de Du Bellay sont du plus grand prix : « Si deux peintres, dit-il, s’efforcent de représenter au naturel quelque vifpourtrait, il est impossible qu’ils ne se rencontrent pas en mesmes traits et linéaments, ayantmesmeexemplairedevantlesyeux. » Rien de plus élevé et de plus juste, mais il y faut une condition : c’est que les deux peintres soient supérieurs. Quand Racine imite Sophocle, c’est qu’il a été impossible qu’ayant le même exemplaire sous les yeux, les deux grands peintres ne se rencontrassent. Mais un peintre médiocre ne peut être que le plagiaire d’un peintre de génie. […] Où il est imitateur, ce n’est pas ce peintre de Du Bellay qui, en face d’un exemplaire déjà représenté par un autre, rencontre les mêmes linéaments ; c‘est un copiste qui reproduit un portrait déjà fait, à quelques ajustements près par lesquels il pense se l’approprier.

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