Ce qui fait pour moi la dignité de la pensée, c’est que je la crois capable de s’élever jusqu’à quelque chose au-dessus de moi-même, en dehors de moi-même : si elle n’est qu’une impression individuelle, une pure manière de sentir, elle ne m’intéresse pas plus que les sensations de chaud ou de froid, de doux ou d’amer, par lesquelles je passe continuellement, et je ne vois même pas pourquoi je me donnerais alors la peine de penser. […] Grâce à cette spécieuse précaution, ils ont résolu le problème que les catholiques eux-mêmes ont eu tant de peine à résoudre : ils sont devenus infaillibles.
Elle est plus grande dans un ris immodéré que dans la plus amère douleur, et l’on détourne son visage pour rire comme pour pleurer en la présence des grands, et de tous ceux que l’on respecte : Est-ce une peine que l’on sent à laisser voir que l’on est tendre, et à marquer quelque faiblesse, surtout en un sujet faux, et dont il semble que l’on soit la dupe ? […] L’on n’écrit que pour être entendu ; mais il faut du moins en écrivant faire entendre de belles choses : l’on doit avoir une diction pure, et user de termes qui soient propres, il est vrai ; mais il faut que ces termes si propres expriment des pensées nobles, vives, solides, et qui renferment un très beau sens ; c’est faire de la pureté et de la clarté du discours un mauvais usage que de les faire servir à une matière aride, infructueuse, qui est sans sel, sans utilité, sans nouveauté : que sert aux lecteurs de comprendre aisément et sans peine des choses frivoles et puériles, quelquefois fades et communes, et d’être moins incertains de la pensée d’un auteur, qu’ennuyés de son ouvrage.