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441. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIV. Panégyrique de Trajan, par Pline le jeune. »

Tel est celui où il parle de la vie farouche et solitaire de Domitien, qu’il peint « enfermé dans son palais, comme une bête féroce dans son antre, tantôt s’y abreuvant, pour ainsi dire, du sang de ses proches, tantôt méditant le meurtre des plus illustres citoyens, et s’élançant au-dehors pour le carnage. […] Cependant dans ces murs même et dans ces retraites profondes auxquelles il avait confié sa sûreté, il enferma avec lui un dieu vengeur des crimes27. » Et un moment après il nous peint les statues de Domitien abattues, une foule empressée, le fer et la hache à la main, ardente à mutiler ces images d’or, comme si leurs coups tombaient sur le tyran.

442. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVIII. Siècle de Constantin. Panégyrique de ce prince. »

Après cela, le panégyriste peint son héros qui vole sur les bords du Rhin pour combattre les Francs nos aïeux, et il le loue très sérieusement de ce que vainqueur, il a fait servir le carnage des vaincus aux amusements de Rome, de ce qu’il a embelli de leur sang la pompe des spectacles et donné le délicieux plaisir de voir dévorer par les bêtes une multitude innombrable de prisonniers ; de manière que ces malheureux en expirant, dit-il, souffraient encore plus des outrages de leurs vainqueurs, que des morsures des bêtes féroces et de la mort même. » Dans quels siècles de férocité et de bassesse de tels panégyriques ont-ils été écrits ? […] On compare l’empire qu’il a sur la terre avec l’empire éternel que Dieu a sur le monde ; on le peint comme ayant un commerce immédiat avec la divinité, et on l’invite à faire part aux fidèles (quand il en aura le temps) de cette foule infinie d’apparitions, de visions, de songes célestes où Jésus-Christ s’est manifesté à ses regards, et de beaucoup d’autres mystères inconnus à tout le monde, excepté à lui, et qui restent déposés dans sa mémoire impériale comme dans un trésor ; enfin, on le loue, on le trompe, on l’instruit ; et le zèle adroit, mêlant le style de la chaire et celui de la cour, lui prodigue à la fois les flatteries et les leçons.

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