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2314. (1910) Rousseau contre Molière

Le dévouement à son pays ? […] Le civisme, c’est le sentiment non pas précisément qu’on doit aimer son pays et lui être reconnaissant et lui être dévoué, que le sentiment que, pour sa part, on le constitue ; c’est le sentiment, non point précisément qu’on est le fils de sa patrie, mais qu’on en est le père et qu’on doit l’être ; le civisme consiste à songer sans cesse qu’on fait la patrie par ses efforts, par les exemples qu’on donne, par ses paroles, par ses écrits. […] Molière n’offre pas une trace de patriotisme ; on ne sait de quel pays il est que par la langue dans laquelle il écrit. […] Mais encore est-il que Corneille a une manière de comprendre l’honneur qui est éminemment française et qui correspond exactement à l’état d’âme des gentilshommes du temps de Louis XIII ; que Racine a un idéal de l’amour féminin avec ses Andromaque, ses Monime, ses Iphigénie et même ses Phèdre, qui, non seulement est puisé au cœur même de la France, ce qui est peu discutable et peu discuté, mais qui est pour la faire aimer et préférer à tous les peuples ; que Boileau a ce patriotisme royaliste qui, en déguisant, un peu gauchement même, et je l’en aime, le conseil sous la louange, plaide auprès du roi les intérêts véritables de la nation ; que La Fontaine enfin, malgré sa nonchalance et son naïf égoïsme, a ses moments dë patriotisme même belliqueux, en écritures du moins, par où encore est-il que l’on voit à quel pays de l’Europe il appartient.

2315. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre second » pp. 200-409

Ce qui suit est de tous les pays et de tous les temps. « Voyez la multitude des mères qui se désolent sur leurs enfants vivants : votre fils a échappé à la perversité de son siècle, et vous le regrettez !  […] Le sol rappelle l’homme des pays lointains, où l’intérêt ne l’a point transporté sans l’arracher des bras de son père, de sa mère, de ses frères, de sa femme, de ses enfants, de ses concitoyens : il s’est retourné plus d’une fois ; ses mains se sont portées, ses yeux baignés de larmes se sont fixés vers la ville, sur le rivage qu’il venait de quitter.

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