La Critique même, qui a le triste devoir de juger les autres, et qui, pour cette raison, est tenue à plus de décence que ceux-là qui n’ont qu’à parler, voudrait taire ce que personne ne lait, qu’elle n’en serait pas moins, sans risquer de noms, très-bien comprise… Sa réserve, si elle en avait, serait donc inutile, mais elle n’est pas assez Jocrisse pour garder le secret d’une comédie dont tout le monde se passe le mot. Je sais bien cependant qu’on a dit, et c’est même un axiome qui a force de bon sens et force de loi, que la vie privée doit être murée ; seulement, quand c’est elle, la vie privée, qui abat le mur et passe par la brèche ; quand c’est elle, elle que le législateur voulait préserver et défendre, qui déborde dans la vie publique, et fastueusement ou méchamment s’y étale, je ne vois plus ce qu’on lui doit, si ce n’est peut-être le châtiment de l’y suivre et de la montrer. […] elle a vécu, et un sage, mais un sage de l’école stoïque, qui lui propose de l’épouser pour la délivrer du joug honteux dont elle est brisée, elle refuse le sage, agréé d’abord, parce qu’il lui passe sur le front, à cet honnête homme, le nuage, bientôt chassé, d’une jalousie silencieuse, et elle retombe sous l’empire dégradant du forcené qui est bien pis que jaloux, lui, car il est infidèle… Dans la conception de son sage infortuné d’Elle et Lui, Mme Sand, comme dans sa conception de Laurent, se pille elle-même. […] Si le nouveau roman de Mme George Sand est une étude, purement et simplement de nature et de passion humaine, comme les romanciers ont l’habitude de nous en donner, la pudeur, toutes les pudeurs, la compassion, toutes les compassions, la compassion pour Lui, et même pour Elle, le respect du passé, de la mort, de l’irrévocable, la peur enfin de son immortalité d’écrivain, si elle a la faiblesse d’y croire, tout devait l’arrêter, la troubler, lui faire jeter sa plume terrifiée. […] Les Critiques qui veulent aller passer huit jours à Nohant, peuvent la traiter de têtu d’homme, de penseur, de génie qui n’a pas de sexe, etc. ; mais pour ceux-là qui savent rester dans leur chambre, comme le voulait Pascal, Mme Sand n’est qu’une femme littéraire ayant plus ou moins de talent ou de prétention littéraire.
Fané par tant d’imaginations plus ou moins puissantes ou vulgaires, qui y touchent comme si, de talent, elles en avaient le droit, ce ne sera pas trop que du génie, — et beaucoup de génie, — pour raviver cette forme déjà usée et flétrie, sur laquelle des talents sans mâle invention et sans fécondité viennent passer leurs petites ardeurs. […] Malot, passer sur le même escalier le Michel Chrétien de Balzac, qui y fait exactement la même chose, mais qui le fait de façon à éteindre le petit tableautin de M. […] III Quant au style, il est évident que l’auteur des Victimes d’amour est de cette école qui part de Stendhal, qui partait lui-même de Voltaire, passe par M. […] Il n’osait prononcer l’un et se sentait trop faible pour relever l’autre. » Cela n’est pas mâché, comme vous voyez, et on sait que nous ne sommes pas prude, mais nous demandons humblement, soit un peu de poésie, soit un peu de passion, pour faire passer ces franquettes d’expression qui, à froid, et dites comme cela, sont insupportables. […] Hector Malot tout ce qui appartient à notre époque et ce qui passera avec elle, toutes les choses qui sont le domaine commun pour qui plante sa plume dans un sujet moderne, et les lectures contemporaines et la langue générale des romans actuels, que resterait-il à ce communiste littéraire qui vit sur l’apport social bien plus que sur son propre talent ?